Ingénieur consultant en énergie/climat, on lui doit, en partie, le retour en grâce, au moins dans le récit, du nucléaire après de longues années de tergiversations politiques. À ce titre, Jean-Marc Jancovici se retrouve régulièrement critiqué par les écologistes, tout en en étant l’un des représentants les plus pragmatiques.
Décrié parfois pour ce qu’il est, meilleure manière de ne pas réagir à ce qu’il dit, Jean-Marc Jancovici s’est pourtant fait unanimement remarquer par son analyse transdisciplinaire de la situation climatique aux travers des spectres économique, énergétique et environnemental. Souvent taquin, volontiers piquant, il n’en demeure pas moins plus pédagogue que moralisateur.
Empreinte carbone
Ce père de deux enfants, qui évoque sa paternité comme une expérimentation des générations futures sur son propre site, est lui-même fils de physicien. Né en 1962 à Paris, il enchaîne, pour ce qui concerne les évènements marquants, avec un diplôme de l’École polytechnique en 1984 puis un autre de l’École nationale supérieure des télécommunications de Paris deux ans plus tard. Dans les années 1990, il conçoit la notion de bilan carbone qu’il développera quelques années plus tard au sein de l’Ademe. En 2007 et au côté d’Alain Grandjean, il fonde Carbone 4, premier cabinet de conseil en stratégie carbone. Sur son site personnel toujours, et dans la distinction de ses activités, selon qu’elles remplissent son frigidaire ou non, Carbone 4 s’inscrit dans cette première catégorie. Enseignant à Mines Paris Tech, auteur de livres et conférencier l’alimentent plus ponctuellement, quand son statut de fondateur et président de The Shift Project, son rôle de membre du Haut Conseil pour le climat et de diverses commissions ainsi que sa qualité de chroniqueur dans la presse contribuent plutôt à vider son garde-manger malgré leur caractère plaisant.
Derrière un discours en faveur du nucléaire et une image souvent limitée à ce seul aspect, c’est la sobriété qu’il défend
Sniper sobre
Parfois discrédité par ses propos sur la décroissance ou le nucléaire – sujets qu’il convient d’adresser avec une certaine retenue –, l’ingénieur est également largement adulé. Alors qu’on lui prête de tenir des discours dithyrambiques en direction du nucléaire, il a souvent fait preuve d’un peu plus de réserve et de relativité que l’on ne lui impute: ce n’est pas parfait mais il y a pire. Confronté à la fin d’un modèle, The Shift Project, qui cogite en faveur d’une économie libérée de la contrainte carbone, a accouché début 2022 d’un programme de transformation de l’économie française qui établit un plan de marche visant la décarbonation effective de nos activités. En filigrane, la mission consiste à éclairer et influencer le débat sur la transition énergétique. Derrière un discours en faveur du nucléaire et une image souvent limitée à ce seul aspect, c’est la sobriété qu’il défend. L’abondance de l’énergie a produit la croissance économique, la situation climatique et la frugalité qu’elle exige impose une forme de décroissance que Jean-Marc Jancovici espère et travaille à concrétiser pour qu’elle se révèle la moins douloureuse possible. Ses récents passages télévisés sont révélateurs de ce retard à l’allumage avec des plateaux dignes du casting de Don’t look up et des éditorialistes qui se défaussent de leur responsabilité dans l’irresponsabilité collective. Dans les réactions à ses pastilles Youtube, seules ses chemises récoltent autant de commentaires que la clarté de ses propos. S’il lui est parfois reproché un discours exprimé de long en large par les associations écologistes, il n’en demeure pas moins que la finesse ou la rudesse du sien infuse toujours plus, influence davantage.
Si certaines de ses assertions sont contredites par ses pairs, son talent de vulgarisateur accroche, et c’est peut-être là le plus important. À l’heure où des œuvres d’art sont vernies à la soupe à la tomate ou à la purée, dans l’incompréhension générale, un peu d’éloquence et de bon sens ne font pas de mal.
Alban Castres