Depuis sa nomination à la tête de Gecina en 2017, Méka Brunel n’a cessé de transformer la foncière aux 20 milliards d’euros de patrimoine. Alors qu’elle tire sa révérence, remplacée par Beñat Ortega, Décideurs revient sur le parcours atypique et inspirant d’une personnalité hors-norme.

Ingénieure, fille et femme d’ingénieurs, diplômée de l’École spéciale des travaux publics et titulaire d’un executive MBA de HEC, Méka Brunel commence sa carrière en 1980 chez Fougerolle (devenu Eiffage). À l’époque, elle modélise des ponts grâce aux premiers ordinateurs. Un jour, on lui demande de calculer les dimensions d’une poutre en béton. "J’ai rendu un dessin impeccable, précis, quatre chiffres après la virgule", se souvient-elle dans les colonnes du Monde. Invitée sur le chantier, elle constate que son "plan n’était pas faux" mais "simplement irréalisable""Ça m’a donné une sacrée leçon ; j’ai compris que j’étais très loin de la réalité du terrain." D’où sa volonté de se rendre sur les chantiers, univers encore plus masculin à l’époque qu’aujourd’hui, pour gagner en expérience et asseoir sa crédibilité. Des qualités qui furent essentielles, notamment lorsque Méka Brunel présida dès 2016 la partie européenne d’Ivanhoé Cambridge, entité immobilière de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Durant cette période, elle pilote le projet des tours Duo dans le 13e arrondissement de Paris dont l’architecte n’est autre que Jean Nouvel. Elle parvient à travailler en bonne intelligence avec la star et à lui faire tenir ses prix. Ce qui, pour certains, relevait du défi. "Jean Nouvel c’est le maître, il est remarquable, mais je paye, donc je m’en occupe", explique-telle au Monde.

Dès les années 1980, elle s'impose très vite dans l'univers masculin des chantiers

Transformation de Gecina

En 2017, Méka Brunel rejoint Gecina. Alors qu’elle aurait pu se contenter de faire tourner les affaires courantes de la foncière, la directrice se lance dans de vraies transformations.
Dès son arrivée, elle enclenche l’acquisition du concurrent Eurosic, dont elle fut présidente du directoire. Pour permettre de faire un bond dans le temps au siège de Gecina et d’intégrer les collaborateurs de sa cible, elle rénove en profondeur les locaux parisiens. À la question de savoir si elle a installé un babyfoot ou mis en place le flex office, elle répond qu’elle n’aime ni les gadgets ni le principe de bureaux ne pouvant accueillir qu’une partie des salariés. En revanche, une vieille bicyclette habille les murs de la cafétéria du dernier étage. Pour elle, "c’est un symbole d’effort et de santé". En 2018, Gecina lance YouFirst, la "marque professionnelle" pour tous les clients du groupe (bureau, collaboratif, résidentiel et étudiant). Sous ce nouvel étendard, l’entreprise propose des services comme des conciergeries, des box de livraison de colis ou encore des offres de vélos partagés.
Si Méka Brunel se dit aujourd’hui "adoptée par la France", la dirigeante a grandi en Iran jusqu’à ses 16 ans. Une "déchirure" pour celle qui suivit les cours du lycée français de Téhéran et décrocha une bourse en France. Elle n’a d’ailleurs jamais pu rentrer chez elle depuis 1977, son pays n’étant plus le même depuis la révolution. Mais Méka Brunel porte bien son véritable prénom, Mahkameh, qui, en persan ancien, signifie "grand désir". Un grand désir qui lui permet d’accomplir de grandes choses, et de continuer à agir pour la ville de demain au sein de la Fondation Palladio. Un costume sur mesure pour la désormais ex-directrice générale de Gecina.

Olivia Vignaud

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