Après la cession en 2021 de leur société Nature & Découvertes à Fnac-Darty, les Lemarchand ont décidé d’investir dans des entreprises alignées avec leurs valeurs. Objectif ? Créer du profit pour pouvoir aider davantage d’entrepreneurs et d’associations.
Ils sont voyageurs, entrepreneurs et convaincus que le capitalisme doit être plus durable. Ils ne se contentent pas de grands discours. Eux, ce sont les Lemarchand. Françoise et François Lemarchand sont des globe-trotters qui dans les années 1970 lancent Pier Import en France puis en Europe. Un concept de magasins "babacool" qui visait à importer des produits d’ameublement et d’artisanat asiatiques. En 1986, ils cèdent leur activité. C’est lors d’un séjour avec leurs quatre enfants aux États-Unis qu’ils découvrent sur le campus "contestataire" de Berkeley un concept de nature company initié par un professeur de biologie. La famille est conquise. Les enfants reviennent avec des cartes postales et des huiles essentielles. C’est le début de Nature & Découvertes, qui conjugue deux de leurs passions.
Les premiers magasins ouvrent dans des endroits pas vraiment huppés comme Les Halles de Châtelet, Eragny ou Cergy-Pontoise. Des lieux qui contrastent alors avec les boutiques à l’éclairage tamisé, où les couleurs chaleureuses sont de rigueur, les bruits d’eau, des appels à la détente de manière à pouvoir expérimenter les articles dans une ambiance zen. "Cela tranchait à l’époque avec les autres commerces pour ce type de produits qui étaient assez cheap et où le libre-service n’était pas la norme, rappelle Antoine Lemarchand, fils des fondateurs et président du family office Nouvel Atlas. Nous acceptions que les trois quarts des personnes qui entraient dans le magasin n’achetaient pas. C’étaient des lieux qui se voulaient généreux." Pas de quoi rapporter et perdurer ? Beaucoup le prédisaient. Ils se sont trompés.
De CEO à investisseur
En 2009, Antoine Lemarchand prend la suite de ses parents à la tête de l’enseigne. Déjà entrepreneur dans l’internet 1.0 et le retail, le jeune dirigeant explore de nouveaux segments : l’international, le digital et le développement d’un programme fidélité. Il fait sortir de terre un siège écoconçu à Versailles associé à une ferme en permaculture. "Mes parents m’ont laissé beaucoup de liberté, se souvient-il. Mon père a repris des études de permaculture et ma mère est photographe." En 2021, Nature & Découvertes est cédé à Fnac-Darty. "Aujourd’hui, les grosses plateformes digitales de e-commerce sont très puissantes. Il fallait en rejoindre une et la Fnac était le choix le plus logique." Après avoir accompagné durant deux ans la transition, Antoine lance avec les siens un family office, filiale de la holding familiale Mercator.
Le family office investit dans le sport et l’outdoor, l’éducation, l’information ainsi que le soutien aux entreprises artisanales
Depuis, il investit des tickets autour de 2 millions d’euros dans des fonds impliqués sur les sujets ESG mais aussi en direct, à travers son family office, des tickets autour de 500 000 euros dans des entreprises qui dégagent au moins autant de chiffre d’affaires. "Cela nous permet de rester sur le terrain, de ne pas avoir le filtre entre l’entreprise et nous. D’ailleurs, nous avons un siège au board de nos douze participations", précise Antoine Lemarchand. La famille peut accompagner les dirigeants dans leurs décisions, les aider sur le volet financier et faire en sorte que l’ESG devienne un sujet cœur pour les entreprises. "Nous nous intéressons surtout à la fabrication des produits et à l’impact des services commercialisés, qui représentent 90 % de l’empreinte carbone des sociétés, explique Antoine Lemarchand. Il est facile de dire : j’achète des crédits carbone pour compenser mes émissions. Mais ce n’est pas ça agir. C’est un peu comme de décider de faire un régime pour perdre du poids en achetant des kilos en moins sur une plateforme d’échange. Cela n’a aucun sens !"
Donner du sens à l'argent
Les domaines de prédilection du family office ? Le sport et l’outdoor, l’éducation, l’information et le soutien aux entreprises artisanales, notamment celles qui fournissaient Nature & Découvertes. Dernier exemple en date : le réseau de clubs sportifs PadelShot. L’entreprise est accompagnée afin de transformer les bars et restaurants de ses clubs afin qu’ils ne servent que des produits frais et locaux et optent pour une énergie plus durable. "Nous n’allons pas essayer de cocher toutes les cases de l’ESG car on ne peut pas demander à une jeune entreprise d’être sur tous les fronts. L’important est de se concentrer sur deux-trois points comme la baisse d’émissions carbone, l’actionnariat salarié et l’intégration à un label type B-Corp", explicite Antoine Lemarchard.
L’objectif de Nouvel Atlas ? Rendre ses investissements rentables afin de reverser une partie des bénéfices à la fondation familiale dont le budget tourne autour de 1,5 million d’euros par an. Gérée par un frère et une sœur d’Antoine Lemarchand, elle s’intéresse à des projets sociaux comme les jardins d’insertion. "L’argent, excrément du diable, mais pour cette terre, quel bon engrais !", estimait Thérèse d’Avila. Ce n’est pas la famille Lemarchand qui dira le contraire.
Olivia Vignaud