La jeune chroniqueuse ardéchoise de 27 ans, qui vient de rejoindre Radio France et France 5, est sur tous les fronts depuis la rentrée. Voix d’une génération angoissée par la crise climatique, elle assume un journalisme qui embrasse pleinement sa dimension politique.
Sur le plateau d’Arte, le 31 octobre 2021, alors que Salomé Saqué expose les catastrophes qui nous attendent si nous ne faisons rien face au réchauffement climatique, elle essuie les rires des autres journalistes autour de la table. La scène, sorte de prémonition du film Don’t look up, devient virale et finit de mettre Salomé sous les feux des projecteurs. "Ça a décollé d’un coup et du jour au lendemain je me suis retrouvée spécialiste de l’environnement pour une séquence d’une minute dans laquelle je dis des choses qui sont élémentaires", regrettera-t-elle plus tard, dans un entretien au Huffington Post.
De l’indignation…
Retour en 2015, sur les bancs du lycée Édouard Herriot de Lyon. Elle y suit deux ans de classes préparatoires avant d’enchaîner sur une double licence sciences politiques/anglais à l’université Lumière 2, qu’elle décroche avec mention bien. Élève brillante, Salomé Saqué complète sa formation par un master en géopolitique et journalisme à Madrid dans le cadre du programme Erasmus en 2016. Elle y sera fortement influencée par l’émergence du mouvement Podemos à travers lequel elle découvre une nouvelle manière de faire de la politique et les vertus de l’indignation. De retour en France, elle conclut son parcours universitaire par un master 2 en droit international et européen puis en journalisme. Déjà chroniqueuse depuis 2017 pour le média en ligne Le Vent Se Lève, elle effectue des piges pour France 24 quand le mouvement des Gilets jaunes fait trembler le pays. Salomé y assiste aux premières loges. Filmant la violence autour du mouvement dans les rues de Paris, accueillant dans son studio des manifestants mutilés, elle raconte ces événements hors norme à travers des vidéos qui se répandent comme des traînées de poudre sur les réseaux sociaux. Elle devient même "fixeuse" pour une chaîne australienne qu’elle accompagne dans sa couverture du conflit. Elle ressortira de cette expérience effarée par la violence policière – "Je ne pensais pas qu’on pouvait traiter les gens comme ça", confie-t-elle au Monde – et se promettant de prendre à l’avenir davantage de distance avec les actualités qu’elle traite.
Salomé Saqué s’évertue à faire rentrer la révolte climatique dans tous les foyers
… à la révolte
Mais distance n’est pas indifférence. Propulsée égérie de la cause climatique, celle qui cultive avec sa longue tresse posée sur une épaule une image à la Katniss Everdeen, héroïne de la saga dystopique Hunger Games, s’engage pour faire bouger les lignes dans l’opinion et dénoncer les outrances climatiques des responsables économiques ou politiques. Elle réfute cependant le terme de "journaliste engagée", comme elle l’explique dans une Chronique au magazine Socialter, en août 2022 : "Du fait de mes choix de sujets et d’un ton parfois incisif, cette étiquette souvent utilisée pour me disqualifier est désormais collée à la super glue sur mon front: "engagée". Comprendre: subjective et/ou partisane, émotionnelle, militante, voire carrément au service d’un parti politique. Être journaliste, c’est par définition passer sa journée à faire des choix. Le choix d’un sujet, le choix d’un angle, le choix des personnes interviewées, le choix de la place laissée aux acteurs, aux témoins, aux spécialistes ou aux victimes d’un événement. Elle ajoute: Lorsque l’on tient une caméra ou un appareil photo entre ses mains, c’est le choix d’un cadre, d’un point de vue, d’une lumière, d’un focus. C’est aussi le choix de la hiérarchie des sujets dans un JT, une matinale ou un journal. C’est le choix d’un titre, le choix de mots et des virgules. Comment croire que cette myriade de choix n’est pas guidée par un regard personnel? (…) Établir cette distinction, c’est vider le journalisme de sa substance politique."
L’histoire semble lui donner raison: en rejoignant Radio France à la rentrée 2022, elle est le symbole du « tournant » amorcé par le média public dans son traitement de la crise climatique. Que ce soit sur France Info, France 5, Blast ou Socialter, Salomé Saqué s’évertue aujourd’hui à faire rentrer la révolte climatique dans tous les foyers.
Pour qu’un vent se lève.
Antoine Morlighem