De l’aveu et dans les vœux de notre Président, "la transition est une bataille que nous devons gagner". Malgré tout, les jets fendent les cieux, les enseignes lumineuses percent les nuits et Bruno Le Maire nous souhaite, sur Twitter, "une belle année économique et écologique", comme si l’avenir de l’humanité et le futur du capitalisme se valaient.

Le Giec, après vingt-cinq ans d’existence, cinquante sessions et six rapports, a convaincu notre personnel politique de la réalité de la crise climatique. Peut-être les événements naturels, nombreux et impitoyables, qui ont rythmé notre dernier été, le lui ont suggéré. Quoi qu’il en soit, les discours ne sont que des mots et les actions demeurent peu parlantes.

Du ridicule à l'évidence

Arthur Schopenhauer a établi que "toute vérité franchit trois étapes. D’abord elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant toujours été une évidence". Si l’idée du réchauffement climatique a franchi l’étape du ridicule, que nos hommes politiques les plus clairvoyants l’ont consignée dans les évidences, elle devrait s’inscrire, à présent, dans sa phase d’opposition. Une opposition nourrie par l’idée qu’à notre époque, dont chacun semble maudire la composition à grands renforts de "c’était mieux avant", pourrait succéder une ère plus austère, moins confortable. La fameuse "fin de l’abondance" et de "l’insouciance" qu'Emmanuel Macron appelait de ses vœux en août 2022, en conclusion d’un été caniculaire. Si le dérèglement climatique fait désormais consensus, qu’est-on prêt à perdre pour l’endiguer ?

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Prise de conscience

Cela fait des années que nous sommes abreuvés de discours cataclysmiques sur l’avenir du monde et mis à part quelques incendies déconcertants, des tempêtes de neige anachroniques ou des inondations inopinées, rien ne nous est apparu plus inquiétant que les discours qui avaient anticipé leur surgissement. Alors qu'on les considérait pessimistes, ils se révèlent réalistes, tandis qu’ils semblaient alarmistes, les voilà alarmants, cependant qu’ils n'étaient que catastrophistes, ils s'avèrent désormais catastrophiques. Dans l’inconscient collectif, l’avenir n’est plus si éloigné des récits apocalyptiques des Cassandre d’hier, des "dystopies" passées. Le Président français s’en est d’ailleurs ému lors de ses vœux évoquant "d’inimaginables défis" tels que ceux liés à la transition écologique, "une bataille que nous devrons gagner", faisant ainsi état du manque d’imagination de notre classe politique, que les différents rapports du Giec n’ont pas suffi à développer. "Qui aurait pu prédire la vague d’inflation, ainsi déclenchée ? Ou la crise climatique aux effets spectaculaires encore cet été dans notre pays ?" a interrogé le locataire de l'Élysée, tandis que les index de milliers de Français, attentifs au sujet depuis bien longtemps, se dressaient en réponse à la seconde question dans une avalanche de "Moi !". Et demeure cette drôle de manie moderne qui consiste à mettre sur le même plan économie et écologie, pas étonnante finalement pour quelqu’un qui, quelques mois plus tôt, défendait la 5G en ironisant sur le modèle Amish. Qui aurait pu prédire la crise climatique ? Tout le monde. Qui est disposé à en payer les frais ? Personne.

Dans l’inconscient collectif, l’avenir n’est plus si éloigné des récits apocalyptiques des Cassandre d’hier, des "dystopies" passées

L'art du compromis

Mais la politique réside dans l’art du compromis et le courage qu’elle peut parfois puiser ne sera jamais au niveau du pragmatisme qu’elle requiert. Or aujourd’hui, seuls deux types de concessions nous paraissent acceptables : celles qui nous arrangent et éventuellement celles qui ne nous dérangent pas. Nous ne nous offrons pas des cerises du Chili à 27,99 euros le kilogramme, parce qu’un tel prix n’est pas franchement raisonnable, mais si l’on nous en privait, nous en éprouverions une profonde injustice. Si l’on est prêt à parler de pollution visuelle pour contester les éoliennes, probablement que notre détermination reste fragile. Il s’agit donc de repasser du désir au besoin, seule façon de rendre le besoin désirable.

Alban Castres


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