S’il est communément admis que les émissions de gaz à effet de serre ont une incidence sur notre santé, la pollution émise par le secteur de la santé fait moins parler d’elle. Médicaments, produits d’asepsie et détergents y sont pour beaucoup. Lumière sur les causes et les solutions envisageables

En France, en 2021, 8% des émissions de gaz à effet de serre (GES) étaient issues du secteur de la santé. En tête de cette pollution, les substances chimiques résultant des activités de soins posent la question majeure de leur devenir dans l’environnement. 

Éveiller les consciences  

Fin 2021, le Shift Project, un think tank français en faveur d’une économie décarbonée, publiait son rapport intitulé "Décarboner la santé pour soigner durablement". Il faisait alors état des 46 millions de tonnes de CO2 émises par cette activité. Des chiffres obtenus grâce à l’estimation de la consommation en gaz et dispositifs médicaux, médicaments, électricité mais également l’utilisation de transports. Pour y remédier, le collectif propose des solutions simples telles que développer la production de matériels réutilisables ou lancer le conditionnement de médicaments en proportion des prescriptions. 

Repenser le parcours du médicament 

Responsables de 33% de la pollution en santé, les médicaments dominent le tableau de compte. Parmi les causes, le rejet de résidus médicamenteux dans l’eau et la nature ainsi que la vente par plaquettes préemballées en quantité parfois supérieure à la prescription du patient. Selon les objectifs fixés par l’Accord de Paris, le secteur pharmaceutique devrait réduire ses émissions de GES de 59% d’ici 2025 sur la base de 2015. Avec 1,5 kg de médicaments jetés par an et par personne, La République en marche (LREM) avait lancé un amendement visant à permettre leur vente au détail dans le cadre du projet de loi anti-gaspillage de 2019. Depuis février 2022, les pharmaciens ont la possibilité – mais pas l’obligation – de fournir le nombre exact d’antibiotiques dont vous avez besoin. Pourtant, certains professionnels dénoncent une méthode qui nuit à la traçabilité du médicament, l’entretien des stocks ainsi qu’à la sécurité du patient au vu de la manipulation supplémentaire effectuée. Pour autant, l’implication de la population évolue. En 2021, 86% des Français ont rapporté leurs médicaments inutilisés en pharmacie pour qu’ils soient détruits par l’association Cyclamed. 

Depuis février 2022, les pharmaciens ont la possibilité – mais pas l’obligation – de fournir le nombre exact d’antibiotiques dont vous avez besoin

En parallèle, l’organisation professionnelle Les entreprises du médicament (LEEM) a dévoilé son rapport sur les progrès du secteur en matière de RSE en septembre dernier. Sur les six axes autour desquels il s’articule, celui relatif à l’environnement prévoit notamment de réduire l’empreinte des déchets d’emballage et d’améliorer la protection de la biodiversité. Pour y contribuer, le syndicat indique envisager la substitution des substances considérées potentiellement dangereuses pour les êtres vivants et la nature. Pour l’heure, 71% des entreprises sondées se situaient au stade initial de la protection de la biodiversité, 18% en progression et seulement 11% matures. Pour Frédéric Collet, ancien président du LEEM, ce rapport constitue une démarche "cohérente […] et pragmatique" pour laquelle l’organisation se fixe pour objectif que "l’ensemble du secteur s’engage".

La tech au renfort ?   

Au fait de ces enjeux, d’autres acteurs de la santé tentent de se mobiliser au profit d’une métamorphose du bloc opératoire. Éric de la Fortelle, Managing Partner du fonds santé Cathay Health, insiste notamment sur la nécessité "de rendre les chirurgies plus courtes et efficaces". Il met l’accent sur l’importance de voir fleurir des sociétés vertueuses en santé en raison des "impacts financier et carbone des processus de stérilisation et réfrigération, ainsi que l’emploi de matériels à usage unique dans les blocs opératoires". D’ores et déjà, Moon Surgical, spécialiste en matière de robotique chirurgicale, développe sa plateforme d’assistance Maestro afin de permettre au chirurgien d’ajuster son geste, et réduire, entre autres, le temps d’opération. Outre le recueil d’une abondance de données et sa simplicité d’utilisation, ce robot s’inscrit dans une démarche de sobriété avec pour ambition de servir lors d’une multitude d’interventions peu invasives, à moindre coût.

"Bien que l’objet de notre innovation soit le patient et la qualité de soins, la prise en compte de l’environnement fait partie des composantes qui deviennent indispensables à mesurer"

À ce titre, Anne Osdoit, CEO de la start-up, précise que "bien que l’objet de notre innovation soit le patient et la qualité de soins, la prise en compte de l’environnement fait partie des composantes qui deviennent indispensables à mesurer". Cette évolution des usages donne le ton en matière de prévention. Et si réduire les conséquences nuisibles du parcours de soins passe par le repenser de fond en comble, développer une meilleure appréhension des maladies et leur prévention reste un point incontestable. Une piste, peut-être, en faveur du prosélytisme en matière de santé intégrative.

Léa Pierre-Joseph

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