[Impacts en série] Régulièrement, 100 Transitions mettra en avant l’un des membres du Collège des directeurs de développement durable (C3D). Épisode 2 : Caroline Pétigny chief sustainability officer d’Afyren.

Pouvez-vous nous présenter Afyren ?

Afyren est une start-up industrielle qui a été créée il y a une dizaine d’années. Nous fabriquons, à partir de coproduits de l’industrie agroalimentaire, sept acides biosourcés qui vont venir se substituer à des molécules jusqu’ici issues de l’industrie pétrolière. Et cela avec des applications variées, que ce soit dans l’alimentation, la chimie, les parfums, la cosmétique, ou encore la composition de matériaux. C’est ainsi une solution bas carbone, circulaire et compétitive qui participe à l’effort de renoncement aux ressources fossiles. Nous avons aujourd’hui un site de production opérationnel, avec déjà 75% de notre production pré-vendue, et deux autres en cours de construction.

Avez-vous pu commencer à chiffrer l’impact potentiel de votre solution ?

Nous en sommes encore au début de l’analyse de cycle de vie de nos produits. Nous avons calculé cependant, que même dans nos scénarios les plus pessimistes, nous divisons les émissions carbone par 5, comparé à un procédé traditionnel. À terme, on estime que les 16 000 tonnes de produits biosourcés produits dans notre usine de Carling-Saint-Avold, devraient permettre d’éviter environ 30 000 tonnes de CO2 chez nos clients. Nos matières premières sont des déchets et les seuls résidus qui résultent de notre production sont réutilisés en engrais. Ce qui explique également notre ancrage territorial fort : nous mettons en place des circuits régionaux vertueux en fonction des besoins et des ressources locales. Il nous reste bien entendu des efforts à fournir, notamment autour de notre consommation d’énergie. Mais l’avantage lorsque l’on est une jeune entreprise, c’est que l’on peut directement partir sur de bonnes bases, avec un outil industriel à la pointe des dernières innovations. Le défi sera de maintenir ces performances à mesure que l’entreprise va se développer. Nous y serons très attentifs.

"La question qui demeure est celle du tempo. Il faut clairement aller plus vite"

Comment avez-vous accueilli le plan « industrie verte » du gouvernement ?

Avec enthousiasme ! Cela marque la fin d’une ère où l’industrie était vue comme le vilain petit canard du monde économique, que l’on était ravi de délocaliser à l’autre bout du monde, quitte à mettre un voile pudique sur les importations de CO2 qu’un tel système impliquait. Je suis persuadée que l’industrie peut être source de solutions face au défi climatique. Afyren en est l’illustration avec son approche bioéconomique, ancrée dans les territoires. Ce plan nous conforte dans l’idée que nous allons dans le bon sens.

Vous avez passé une grande partie de votre carrière dans la chimie. Comment jugez-vous l’évolution du secteur sur ces enjeux de durabilité ?

Contrairement à ce que l’on peut penser, le secteur de la chimie est très impliqué sur ces enjeux, et ce, depuis longtemps. Ce qui a changé, c’est qu’auparavant cela était surtout lié à des questions de sécurité plutôt que de durabilité. Il reste bien entendu de gros efforts à accomplir pour accélérer la transition. En ce sens, la pression de nos clients, qui exigent des produits responsables, combinée à une réglementation toujours plus poussée et la mobilisation de fonds publics et du secteur de la finance, sont les conditions du succès. Je parlais récemment avec notre CFO qui était agréablement surpris par l’évolution des acteurs financiers sur ces sujets, au moins dans les fonds ESG ou à impact. Ils s’impliquent dans les entreprises, misent sur le moyen-long terme, posent des questions, nous challengent… Enfin, être un acteur de la chimie durable aujourd’hui, c’est aussi se donner toutes les chances d’attirer les meilleurs talents. Les pièces du puzzle sont en train de se mettre en place. La question qui demeure est celle du tempo. Il faut clairement aller plus vite, mais quand je vois l’engagement des acteurs impliqués dans des programmes comme la convention des entreprises pour le climat, je me prête à croire que la bascule est possible.

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Quelles sont les prochaines étapes pour Afyren ?

Mettre en route nos deux prochaines usines et partir à la conquête de l’international qui témoigne déjà d’une forte demande. Il s’agira également de poursuivre la croissance interne de l’entreprise, qui emploie déjà plus de cent personnes, de manière structurée et responsable. Cela représente un véritable challenge, car si notre solution est vertueuse et n’a aujourd’hui presque pas d’impact sur l’environnement, à mesure que nous allons nous développer, nos émissions vont nécessairement augmenter. C’est un défi intellectuel pour la directrice RSE que je suis : comment mettre en avant nos atouts, être crédibles auprès des nouveaux talents et des investisseurs, faire de notre engagement un levier de performance et de développement stratégique, tout en restant honnêtes sur nos avancées et en évitant le greenwashing ? L’équation est difficile, mais c’est tout le sel de mon métier.

Propos recueillis par Antoine Morlighem

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