La plateforme de vente d’appareils électriques et électroniques reconditionnés Back Market est devenue l'une des licornes françaises la plus valorisées, à hauteur de 5 milliards d’euros. Une performance d’autant plus remarquable pour une entreprise qui opère dans le domaine de l’économie circulaire. Entretien avec son président et fondateur, Thibaud Hug de Larauze.
Où en êtes-vous de votre développement ?
2021 a été une année riche pour nous. En matière d’aventure humaine d’abord, puisque nous avons embauché près de deux cents personnes. Nous avons également poursuivi notre implantation à l’international en ouvrant deux nouveaux bureaux à Berlin et Barcelone ainsi que six nouveaux marchés, dont le Japon. Le reconditionné gagne du terrain, et ce dans tous les pays. Côté partenaires, au-delà des reconditionneurs, de plus en plus de marques et distributeurs nous rejoignent. En témoigne notre partenariat avec Carrefour, dans les supermarchés duquel nous avons installé cent vingt points de collectes de smartphones en France, mais aussi avec Dyson, Bosch ou Go Pro. L’économie circulaire n’est plus un simple pas de côté mais émerge comme un enjeu stratégique pour ces acteurs.
Le secteur automobile est-il un modèle à suivre ?
C’est indéniablement le marché de seconde main le plus mature. Aujourd’hui, l’occasion représente 70 % des ventes du secteur contre seulement 6 % ou 7 % pour le numérique. La marge de progression est immense et l’automobile nous montre la voie à suivre. Si tout a commencé avec l’ouverture de la vente de pièces détachées à tous les réparateurs, la démocratisation s’est opérée grâce à l’offre de service qui s’est constituée autour : garantie, contrats de maintenance, financement, reprise de l’ancien véhicule… Nous venons de gagner une première bataille avec la loi Agec qui oblige tous les concepteurs de smartphones et d’ordinateurs à vendre des pièces détachées. Mais nous ne sommes encore qu’au début du chemin. L’Ademe a récemment publié une étude. Un smartphone neuf émet 86,5 kg de CO2 . Le reconditionné : 80 kg de moins. À l’heure de la décarbonation du numérique, notre démarche va dans le sens de l’Histoire.
L’économie circulaire n’est plus un simple pas de côté mais émerge comme un enjeu stratégique
Quelles sont les prochaines étapes pour Back Market ?
Le premier enjeu est de structurer la reprise des produits. Nous avons aujourd’hui un service de reprise sur mobiles, tablettes et consoles de jeux en France et en Allemagne que nous voulons perfectionner et étendre sur tous nos marchés, ainsi qu’à de nouveaux appareils. L’autre point clé réside dans le service client, pour limiter au maximum les freins, notamment par le lancement du service « back replace » qui permettra de recevoir un produit de remplacement sans avoir à renvoyer au préalable le défectueux. Et enfin, bien entendu, poursuivre notre développement à l’international.
Être une licorne, ça change tout ?
C’est avant tout symbolique. Ce qui nous anime au quotidien, c’est le développement de l’économie circulaire. Que cela se traduise par de la création de valeur, c’est génial mais pas une fin en soi. Nous ambitionnons par ailleurs d’être exemplaires dans notre gouvernance pour contribuer à inventer un nouveau modèle d’affaires. C’est pour cela que nous avons engagé le processus pour être labellisé B Corp en 2022. Nous arrivons au point de basculement où enjeux économiques et écologiques se rejoignent. Nous verrons demain d’autres « licornes vertes » émerger pour accélérer la transition écologique, tout en entraînant avec elles la transformation des acteurs historiques.
Propos recueillis par Antoine Morlighem