Lula a pris la succession de Jair Bolsonaro le 30 octobre dernier. Son retour marque la fin des politiques de déforestation de son prédécesseur, dont le bilan fait état de 34 000 km carrés de forêts détruits entre 2018 et 2021. De quoi légitimement s’interroger sur l’avenir de la forêt amazonienne. Le nouveau Président promet une politique “zéro déforestation”. Sera-t-il en mesure de la tenir ?
La planète brûle. L’écho est strident, la situation préoccupante et l’Amazonie part en fumée. Les satellites de l’Institut national de recherches spatiales brésilien (INPE) ont dénombré 75 599 feux de forêt depuis janvier 2022. De plus, la déforestation a considérablement gagné du terrain lors de la présidence Bolsonaro avec plus de 11 300 km carrés détruits par an ; soit une hausse de 75% par rapport à la décennie précédente. En 2021, plus de 13 000 km carrés de la forêt amazonienne était concernés par le phénomène. Un record depuis 2008. De quoi tirer la sonnette d’alarme… et faire résonner dans l’élection de Lula, un tintement d’espoir.
Triple menace
La déforestation en Amazonie est au fondement d’une triple problématique. Tout d’abord environnementale, puisqu’il s’agit d’un puits de carbone. En effet, c'est la plus grande forêt tropicale au monde ; avec une capacité à capter 10% du CO2 mondial tout en libérant de l’oxygène. La déforestation engendre l’effet inverse en faisant recracher à la forêt tout le CO2 stocké au préalable. La seconde problématique est celle de la conservation de la biodiversité. La troisième menace concerne les populations autochtones qui perdent chaque jour un peu plus leur habitat naturel au profit de l’agro-industrie.
La planète brûle. L’écho est strident, la situation préoccupante et l’Amazonie part en fumée
La politique “zéro déforestation”
Le 30 octobre, malgré un pays qui demeure profondément fracturé, divisé, et dont les plaies seront difficiles à panser, les urnes ont tranché en faveur d’un tournant, notamment en matière de politique environnementale, provoquant un "ouf " de soulagement à travers la planète. En effet, sous l’égide de Lula, le Brésil a connu des “années dorées” de 2003 à 2011, marquées par la sortie de 30 millions de Brésiliens de la pauvreté et la mise en place de grands programmes sociaux, mais aussi par un effort de préservation du poumon de la planète. Aujourd’hui réélu, Lula veut réhabiliter la forêt amazonienne en engageant une politique "zéro déforestation". L’ambition est là, en attendant les actes qu’il pourrait rapidement préciser, à l’occasion de la COP 27.
L’économie avant l’écologie ?
Pompier de service, Lula devra également l’être pour une économie brésilienne au bord de la catastrophe. De là à le détourner de ses bonnes intentions environnementales ? C’est ce que craint Catherine Aubertin, économiste de l’environnement, au micro de France Tv Info : "L'écologie n'est pas la priorité du président Lula, focalisé sur le combat contre la faim." Selon elle, au Brésil, le symbole environnemental que représente l'Amazonie n'est pas aussi fort qu'à l'international. "C'est une région éloignée, représentant 10% du PIB et moins de 10% de la population." D’autant plus que sur le plan politique, Lula sera loin d’avoir les mains libres.
Le 30 octobre, malgré un pays qui demeure profondément fracturé, divisé, et dont les plaies seront difficiles à panser, les urnes ont tranché en faveur d’un tournant, notamment en matière de politique environnementale, provoquant un "ouf " de soulagement à travers la planète
Contre-pouvoirs
En effet, Lula devra composer avec le conservatisme exacerbé d’une partie de la société et un Congrès où les bolsonaristes ont toujours un fort pouvoir de nuisance. C’est particulièrement le cas des États tels que Rio de Janeiro, Minas Gerais et São Paulo qui à eux trois représentent 40% de la population et plus de 50% du PIB du pays. La partie est donc loin d’être gagnée, mais la communauté internationale et l’Europe en particulier peuvent jouer un rôle pour accompagner ce changement. Pour Greenpeace, l’UE "doit prendre ses responsabilités et interdire l’importation de produits issus de la déforestation et des violations des droits humains. La Commission, le Conseil et le Parlement européen statuent actuellement sur un règlement anti-déforestation. Celui-ci devra être le plus ambitieux possible pour lutter efficacement contre la déforestation et pour la protection des peuples indigènes." Car il y a, ne le cachons pas, une forme d’hypocrisie occidentale à s’indigner pour l’Amazonie tout en continuant à en importer les produits. La question amazonienne n’est pas qu’une question brésilienne.
Aicha Fall