Fonds, start-up et pouvoirs publics ont annoncé plusieurs mesures pour favoriser la diversité et l’inclusion dans la tech tricolore. Les avancées seront annoncées régulièrement. De quoi couper court aux accusations de "diversité washing".
Le monde de la tech aime s’imaginer à l’avant-garde du progressisme. Mais les chiffres ne mentent pas, il est loin d’être exemplaire. Le 17 octobre, une partie de l’écosystème s’est réunie à Bercy pour faire le point et proposer des mesures susceptibles de changer la donne.
Des chiffres qui interpellent
Côté bilan, une étude réalisée par Diversidays, association promouvant l’égalité des chances cofondée par Anthony Babkine et Mounira Hamdi, a bousculé le public dont une bonne partie se pensait en toute bonne foi exemplaire. Et pourtant… 39 % des salariés de start-up déclarent avoir été victimes d’une discrimination. 50 % d’entre eux affirment que l’âge et le niveau de diplôme peuvent freiner le recrutement. "Bonne nouvelle", la proportion tombe à 14 % pour le genre ou l’origine ethnique.
Au-delà de l’étude, la soirée a été l’occasion pour certains de parler sans langue de bois. Clara Chappaz, directrice de la French Tech, a notamment rappelé qu’il existe "3 femmes à la tête d’un groupe du CAC40, ce qui est peu. Mais il y a 0 femme à la tête des 40 plus grosses boîtes de tech française, ce qui devrait tous nous interpeller." Autres points préoccupants, "80 % des sommes levées restent en région parisienne, alors que la moitié des jeunes pousses tricolores sont implantées en région. 80 % des CEO viennent de grandes écoles." Un constat partagé par Benoist Grossmann, CEO d’Eurazeo Investment Manager, qui déplore que "les fondateurs soient quand même souvent des mâles blancs qui ont fait de belles études, ça me terrifie". Guillaume Gibault, fondateur du Slip français, est revenu sur le cas de son groupe qui se pensait ouvert d’esprit mais fonctionnait en vase clos. Une remise à plat des process de recrutement et de la communication a permis de changer la donne.
39% des salariés de start-up déclarent avoir été victimes d'une discrimination
Place à l’action
Au-delà de l’aspect éthique et moral, ce manque de diversité peut avoir des conséquences économiques, a rappelé Jean-Noël Barrot, ministre délégué en charge de la Transition numérique et des Télécommunications : "Le secteur de la tech connaît des difficultés de recrutement. Nous n’avons pas le choix. Pour continuer à se développer, innover, créer de la croissance, les entreprises doivent chercher tout le monde." Plusieurs fonds d’investissement ont annoncé lors de la soirée qu’ils rejoignaient Tech Your Place, mouvement qui accompagne les acteurs Tech en matière de promotion de la diversité. Il s’agit d’Alter Equity, Daphni, Educapital, Eurazeo, Isai, Parquest, Raise, Ring Capital, Sagard, NewGen, Serena, 30 Capital et Galion.exe. Au-delà d’une simple adhésion de façade, les fonds se sont engagés à insérer systématiquement une clause "inclusion, diversité et égalité des chances" dans les pactes d’investissement, à définir et mettre en œuvre une politique d’inclusion dans leurs propres structures, à publier leurs résultats chaque année et à partager entre eux les bonnes pratiques.
Les pouvoirs publics à la manœuvre
L’État compte lui aussi se montrer exemplaire. Jean-Noël Barrot a notamment dévoilé de nouveaux critères de sélection pour intégrer les prochaines promotions du Next40/120, label destiné à accompagner les start-up françaises les plus performantes et à les aider à se faire une place au niveau mondial. "Désormais, sera intégré un indice d’égalité professionnelle et remontée des dispositifs en place pour favoriser la diversité." Un bilan carbone sera également demandé aux candidats. Toutes les parties prenantes ont promis de continuer à échanger régulièrement et à partager des KPI pour éviter le principal écueil : le "diversité washing".
Lucas Jakubowicz