[Impacts en série] Régulièrement, 100 Transitions met en avant l’un des membres du Collège des directeurs du développement durable (C3D). Épisode 4 : Cédric Laroyenne, directeur de l'engagement EPSA et délégué général EPSA Foundation.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, pouvez-vous présenter l’EPSA ?

EPSA a été créé il y a vingt ans comme un cabinet de conseil, historiquement positionné sur les métiers de l’achat. Depuis maintenant cinq ans, nous nous sommes diversifiés puisque nous accompagnons les entreprises sur des sujets aussi différents que la fiscalité, le financement d’innovation ou la transition énergétique. Cette grande variété est passée par une explosion de nos effectifs, puisque nous sommes passés de 250 à 3 000 personnes sur cette période. Cette croissance s’est principalement faite via des acquisitions, près d’une vingtaine sur les trois dernières années.

Quelles sont les particularités de cette hypercroissance ?

Si les mécanismes d’achat peuvent varier, certains sont faits en fonds propres, d’autres en LBO, on conserve toujours une constante : des entreprises à la pointe dans leurs sujets et qui conservent une part d’indépendance.  Pour preuve que les greffes se passent bien, sur nos vingt dernières acquisitions, toutes ont conservé à leur tête les entrepreneurs qui les ont fondées. De ce fait, nous avons créé une véritable constellation de TPE et de PME en Europe, qui gardent leur culture, leur indépendance et leur business.

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La grande majorité de ces entreprises est-elle concernée par les sujets de RSE ?

Oui effectivement, c’est un switch qui a été décidé en 2019 par notre fondateur. Ce dernier a autant été porté par conviction que par le fait que nous étions persuadés, même avant la crise sanitaire, que les entreprises allaient devoir se transformer pour intégrer des sujets sociétaux et environnementaux. On a donc recruté des spécialistes de tous ces sujets, allant du développement durable comme ekodev à la transition énergétique (Omnegy, Enoptea ou encore Energiency), en passant par une agence de communication en RSE nommée Sidièse. Ainsi, nous sommes capables de proposer une offre d’accompagnement complète de A à Z. Et, in fine, cela se recroise avec nos origines de conseil autour des centres de coûts. …

En interne, ces questions de RSE sont-elles principalement menées par EPSA Fondation ?

Tout à fait. Lors de mon arrivée en 2019, j’ai chapeauté la mise en place de ce « bras philanthropique » de notre groupe. Il y avait plusieurs objectifs, le premier d’entre eux consistant à canaliser cette hypercroissance et à trouver un ADN commun. Ce dernier s’est révélé être l’intérêt général : que l’on fasse du conseil en taxe, en achat ou autre chose, cette problématique touche tout le monde parce qu’il y a un citoyen au-delà du salarié.

Le second objectif est une question assez simple : comment peut-on avoir un impact positif en dehors de l’entreprise sur nos parties prenantes. Finalement, l’entreprise se trouve en hypercroissance, possède des résultats financiers qui le permettent et de plus, nous sommes un recruteur d’envergure avec une forte empreinte sociale. Comment aller plus loin que ce que l’on propose déjà dans notre écosystème ? C’est ce qui nous a poussés à créer cette fondation.

Quelles sont les initiatives que vous avez mises en place ?

Aujourd’hui, nous avons deux grands axes. Le premier est l’insertion professionnelle. Nous avons voulu aller plus loin que le traditionnel soutien financier puisque nous avons créé une entreprise d’insertion nommée « Engagés » et qui agit sur le territoire lyonnais. Nous apportons notre propre vison structurelle et stratégique sur le sujet.

Concernant le second axe, nous avons directement consulté nos collaborateurs sur la grande cause du groupe pour les trois prochaines années. Ils ont opté pour le sport et la jeunesse, ce qui correspond d’ailleurs bien avec l’année olympique à venir. C’est pourquoi nous accompagnons deux associations, Sport dans la Ville et Boxer Inside pendant trois ans. Le but est de les soutenir dans leur développement et leur changement d’échelle. Cela passe à la fois par du mécénat classique, mais aussi du bénévolat de compétences.

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Quels sont vos grands axes de développement ?

On fait aujourd’hui un pari organisationnel en interne : celui de créer une direction d’engagement en décloisonnant tous les services support, à l’exception de l’IT et de la finance. En pratique, cela veut dire qu’il n’y a pas de DRH groupe, mais nous avons un directeur de l’engagement qui a au sein de ses équipes, des DRH, des directeurs communication, des directeurs RSE. Le but est d’infuser toute la chaîne de direction avec la RSE.

Notre second sujet se trouve plus en lien avec nos clients : on a vu, avec le Covid-19, que des crises mondiales sont possibles en un claquement de doigt. La question est de savoir comment obtenir des entreprises résilientes capables de réagir efficacement aux différentes crises auxquelles elles feront très probablement face. Que les enjeux soient sociaux, environnementaux… les structures doivent anticiper et faire des paris sur l’avenir, sans quoi nous allons droit dans le mur !

Quels sont les principales interrogations de vos clients en matière de sujets RSE ?

La première question est avant tout de savoir quelle sera l’incidence de la RSE, non seulement sur leur business, mais aussi sur leur modèle opératoire. Et si le coût financier vient d’abord à l’esprit, les questions de résilience et d’adaptation entrent également en compte. Faut-il par exemple rénover une usine existante en bord de mer ou la déménager à l’intérieur des terres pour éviter des risques de submersion ?

Sur la composante plus sociale, les problématiques de diversité et d’insertion provoquent des questionnements sur la façon de recruter et d’accompagner. La prise de conscience est bel et bien là, mais elle se double d’un besoin d’accompagnement sur ces transformations nécessaires.

Les décideurs doivent avoir une prise de conscience, à défaut d’une réelle conviction

Dans les deux cas, le sujet est d’autant plus intéressant que l’on n’est pas sur la même temporalité des transformations « habituelles ». Ce sont des changements sur la durée qui représentent un changement intéressant face à des missions de cabinets de conseil qui sont généralement de très court terme.

Concernant les décideurs, ils doivent avoir une prise de conscience, à défaut d’une réelle conviction. C’est maintenant de leur responsabilité de dirigeants de se saisir de ces sujets et de les intégrer à l’entreprise. C’est une révolution par rapport à quinze, vingt ou trente ans en arrière. Ce sont des thématiques qui restaient en dehors de l’entreprise, voire même que l’on cherchait à tenir hors de l’entreprise…

RSE, stratégie carbone, responsabilité… ces mots sont sur toutes les lèvres, mais qu’en est-il en réalité ?

Parfois en tant qu’entreprise de conseil, il ne faut, paradoxalement, pas être trop en avance.  Pour exemple, on a l’impression que tout le monde s’est digitalisé, que tout le monde a une stratégie carbone, que tout le monde a intégré la diversité… En réalité, ce sont les grosses entreprises qui se transforment, mais la grande majorité des ETI et des PME sont en phase de réflexion ! On n’est qu’au début du chemin et de grosses sociétés peuvent donner l’illusion que ces problématiques sont bien plus avancées qu’elles ne le sont réellement.

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Quel est l’impact de la directive CSRD sur vos clients ?

Il existe un double impact. Déjà sur nous, entre les certifications, le CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et autres accréditations, nous avons besoin d’équipes RSE dotées de compétences en reporting. Et on le sait, la RSE n’est pas forcément le poste de dépense le plus important pour certaines structures. Aujourd’hui, on doit recruter des personnes qui vont travailler sur du reporting plutôt que de contribuer directement à la transformation. La CSRD est formidable, car celle-ci apporte un cadre européen puissant dont nous avions besoin. La contrepartie est que tout cela est particulièrement chronophage…

 Selon nos clients, c’est un point très positif puisqu’un certain nombre d’entre eux se posaient peu ou pas la question de la RSE dans leur business model. Maintenant, ils se disent : « J’ai une réglementation qui me tombe dessus, je dois la comprendre et j’ai besoin de mettre des réponses concrètes sur ces questions. »

Cela provoque une prise de conscience, qui, à défaut de provenir de convictions sur le sujet, force à une réflexion, car c’est un reporting public qui aura un impact d’image.

Reste un point auquel il faudra prêter attention dans les années à venir : les entreprises ne pourront pas aborder la compliance sur tous les sujets, elles devront faire des choix stratégiques pour bénéficier de plus d’impact. Le tout en gardant à l’esprit qu’une entreprise garde une logique de rentabilité…

Propos recueillis par François Arias

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