L’agroalimentaire contribue à hauteur de 35 % au PIB africain et génère des emplois pour 65 % de la population active. Un potentiel pourtant encore largement sous-exploité, que le continent aurait intérêt à développer et valoriser. Pour ce faire, certains voudraient tout miser sur la technologie, d’autres sur une agriculture écologique. Décryptage.
Des forêts ombrophiles aux zones sèches et arides irriguées une fois par an, le continent africain dispose de climats divers qui en font une zone géographique à fort potentiel agricole. Elle détient 60 % des terres arables du monde dont 80 % sont inexploitées. En cause : des petites exploitations familiales, une faible technicité des facteurs de production, une forte soumission aux aléas climatiques et à la fluctuation des prix sur le marché, ou encore des sols qui perdent en fertilité. Résultat : ce continent qui devrait être un géant de l’industrie agroalimentaire est l’un de ceux les plus touchés par la sous-alimentation et la malnutrition. Pour sortir de ce paradoxe insupportable, deux pistes se dessinent.
Passer au vert
Le projet pharaonique de la « Grande muraille verte » a été lancé en 2005 par les chefs d’État des pays du Sahel. Une opération de régénération forestière sans précédent, s’étendant du Sénégal à Djibouti sur 7 000 km de long et 15 km de large, mais encore loin d’être aboutie du fait du manque de coordination entre les pays signataires et de l’insuffisance des fonds alloués. De nouveaux engagements financiers ont été pris à l’occasion de la COP27 pour tenter de donner un nouveau souffle à ce projet de grande envergure. Mais la solution pour l’Afrique pourrait bien se trouver dans des ambitions plus modestes, en suivant par exemple les principes de la permaculture. C’est en tout cas la conviction de Gora Ndiaye, fondateur de la ferme agroécologique de Kaydara. Grâce à ses principes reposant sur les écosystèmes et les cycles naturels, il est parvenu à faire pousser des arbres sur un sol pauvre et aride. Pionnier en la matière en Afrique, il transmet aujourd’hui son savoir-faire à ses élèves pour façonner une nouvelle génération d’agriculteurs, capables de répondre aux défis de demain.
D’ici à 2030, les solutions agrotechnologiques pourraient rapporter 1 000 milliards de dollars au continent africain.
Agritech
D’autres préfèrent remettre l’avenir de l’agriculture africaine entre les mains de la technologie, promettant des rendements accrus combinés à une meilleure gestion des ressources. C’est le cas des géants de la Silicon Valley et en particulier de Bill Gates qui s’est engagé, avec sa fondation, à octroyer un financement de 1,4 milliard de dollars pour la résilience des petits exploitants agricoles en Afrique, tout en soulignant que « des financements supplémentaires sont nécessaires pour s’assurer que les innovations agricoles et technologiques soient largement disponibles pour les communautés vulnérables. » Selon un rapport de Microsoft, le secteur des technologies agricoles devrait connaître une forte croissance dans les dix années à venir. D’ici à 2030, les solutions agrotechnologiques pourraient rapporter 1 000 milliards de dollars au continent africain. Le Kenya compte bien surfer sur cette tendance. Le pays s’érige à la place de leader africain de l’agriculture numérique avec plus de 100 entreprises privées recensées. Jusqu’à faire de Nairobi la « Silicon Savannah » de l’Afrique.
Alors permaculture ou agritech ? La réponse se situe sans doute quelque part entre les deux, à l’image de ces jeunes agroécologistes camerounais qui ont lancé le projet « Invest for you on agro-pastoral project in Cameroon », devenu la première plateforme de développement participatif du secteur agropastoral du pays. Si l’Afrique parvient à mettre la technologie au service du développement d’une agriculture performante et responsable, elle pourra en faire un véritable levier de développement économique et social… tout en jouant pleinement son rôle de grenier du monde.
Aicha Fall