Considéré par certains comme un prophète de l’apocalypse, Philippe Bihouix présente, en réalité, une sobriété choisie et douce, seule voie soutenable dans un monde fini. Il n’est pas un homme de frasques mais de chiffres, pas frénétique mais rationnel.

Originaire de Saint-Nazaire, Philippe Bihouix est diplômé de l’École centrale de Paris. Après des débuts chez Bouygues Construction en qualité d’ingénieur travaux, il poursuit son parcours dans l’industrie, de l’énergie à la chimie en passant par les transports et les télécoms. Il rejoint l’Arep en 2019, et en est aujourd’hui directeur général. Son sérieux, sa mesure et sa nuance infusent sur des sujets souvent traités avec une fougue compréhensible, parfois exagérée.

A-Z Tech

Parfois qualifié de collapsologue, argument massue lorsqu’il s’agit de discréditer un discours écologique raisonné, son propos s’élève seulement contre les apôtres de la technologie qui estiment que chaque problème trouve sa solution dans celle-ci. Philippe Bihouix oppose au "peut-être" du tout technologique l’assurance du sens commun. Il fait, en outre, la distinction entre la technologie verte et la basse technologie, entre la green et la low tech, la première impliquant des métaux rares, par définition non abondants et dont l’extraction, énergivore et anti-écologique, contredit la promesse verte.

Sa mesure et sa nuance infusent sur des sujets souvent traités avec une fougue compréhensible, parfois exagérée

Croissance vaine

La croissance verte est, selon lui, une aberration, le salut par la technologie une chimère et l’économie circulaire une mascarade intellectuelle. L’étalement urbain s’est récemment immiscé parmi ses chevaux de bataille. Il déploie un spectre d’analyse large illustré par des publications diverses: Quel futur pour les métaux ?, qui malmène les mythes de l’abondance, de la croissance verte et d’une technologie forcément salvatrice ; L’âge des low tech : vers une civilisation techniquement soutenable, qui défait les mirages des innovations high tech, et substitue à la course en avant technologique l’usage des low tech ; La ville stationnaire, comment mettre fin à l’étalement urbain, dans lequel il avance que les métropoles ne doivent plus attirer et grandir, mais essaimer. Autant de constats qui, s’ils enchantent la planète, donnent de l’urticaire à ses administrateurs. Malgré un curriculum vitæ bien rempli, le centralien demeure relativement méconnu, voire volontairement ignoré.

Mauvais client

Avec un tel bagage, un rond de serviette devrait lui être octroyé dans n’importe quelle émission télévisée, pour peu qu’elle prétende parler d’écologie avec des experts. Hélas, ce type de programmes n’existe pas et lorsque le sujet environnemental est abordé, l’on préfère au pragmatisme d’un connaisseur, l’agitation tourmentée d’un éco-anxieux bégayant. Philippe Bihouix dispense donc la rationalité de ses évangiles au gré de conférences et sur Internet où il a notamment été six fois l’invité de Thinkerview. Dans une société biberonnée à l’immédiateté, demain est déjà trop loin. L’ennui avec l’urgence, c’est qu’elle ne se reporte pas.

Alban Castres

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