L’astrophysicien Aurélien Barrau aux Universités d’été du Medef avait interpellé les dirigeants en résumant notre modèle économique à un "projet mortuaire". L’économiste Timothée Parrique, approfondit le concept avec son ouvrage, déjà remarqué, Ralentir ou périr.

Il y a quelques années encore, classée au rang des théories saugrenues, la décroissance est aujourd’hui un vrai sujet d’étude universitaire et gagne ses galons dans les milieux économiques. Elle s’insinue même dans notre vie quotidienne, dissimulée sous les habits plus convenables du terme le plus à la mode de cette rentrée : la sobriété.

Le ver est dans le PIB

Le livre de Timothée Parrique n’a pas cette pudeur et pose d’emblée le terme sous la forme d’une équation aussi nue qu’abrupte : Ralentir ou périr. L’ouvrage se présente comme une consciencieuse entreprise de déconstruction des idées et croyances qui fondent le concept de croissance dans l’inconscient collectif. Quand il ne vire pas tout bonnement au sabotage : "Le PIB est borgne au bien-être économique, aveugle au bien-être humain, sourd à la souffrance sociale et muet sur l’état de notre planète." De quoi nourrir un sentiment de décalage quand on voit le ministre de l’Économie se démener pour le grand retour de la croissance en France, comme s’il s’agissait là d’un Graal indépassable, tout en érigeant la sobriété en nouvel objectif national. Une position précaire que Thimothée Parrique qualifie de "greenwashing macroéconomique", qui nous mènera tout droit dans le mur bien réel, des limites physiques planétaires.

Repenser l’économie

Dès lors, que faire ? Replacer les sciences économiques dans leur fonction initiale : faire l’économie des choses et employer chaque ressource avec parcimonie. La révolution à mener est ainsi et avant tout conceptuelle, avec l’obligation d’inverser le rapport de forces, à la fois politique et mental, qui structure la relation entre économie et écologie. Il existe une obligation éthique et une nécessité physique pour la première de se cantonner aux bornes du cadre imposé par la seconde. Il ne s’agit pas tant de chercher des solutions miracles, ces dernières existent déjà et ne demandent qu’à être appliquées. Selon l’auteur, 380 instruments de décroissance sont à notre disposition et se détaillent selon trois catégories : interdiction, rationnement, fiscalité. Pas de feuille de route, pas de manuel de la transition exemplaire, mais plutôt une nécessité d’essayer, de faire émerger des tentatives par endroits, d’influer sur le but recherché en favorisant une économie du bien-vivre et de la convivialité.

Renouer avec la démocratie pour sortir de la crise

Le regard porté sur la décroissance doit changer, la Convention citoyenne pour le climat, pourtant rédigée par des personnes étrangères à la littérature décroissante, en tire des conclusions similaires et préconise les mêmes solutions à employer. Il s’agit de mettre une part plus importante de démocratie dans le fonctionnement économique, d'intégrer le concept d’utilité sociale en remplacement d’une recherche absolue de profits. Les indicateurs eux-mêmes doivent être révisés, comme l’a déjà fait la Nouvelle-Zélande en employant l’indice de bien-être plutôt que le PIB. L’avenir que souhaitent les décroissants n’est pas fondé sur un retour à la bougie et la réintroduction d’un style de vie amish, simplement un usage de l’innovation qui se fasse au service des besoins citoyens et non pour nourrir un marché, par essence insatiable.

 Émile Le Scel

Timothée Parrique
Ralentir ou périr. L'économie de la décroissance
Éditions du Seuil, 320 pages, 2022. 

 

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