Alors que le gouvernement veut faire s’envoler une nuée de ces fantastiques équidés made in France jusqu’à en dégoûter la plus rêveuse des petites filles, d’autres appellent à ne pas se laisser berner par les paillettes et les couleurs arc-en-ciel, mais plutôt à en évaluer et en valoriser l’impact social et environnemental… pour faire émerger les leaders de l’économie de demain.
On ne sait pas pour vous, mais en tout cas, Jean-Noël Barrot, ministre délégué à la Transition numérique, a déjà envoyé sa lettre au père Noël : "Nous avons décidé de nous fixer un objectif très ambitieux de dix licornes cotées d'ici 2025, dont deux avec une capitalisation de plus de 5 milliards d'euros." Le gouvernement veut voir dans ces sociétés valorisées à plus d’un milliard de dollars le signe de la pertinence de sa politique économique, et plus largement de l’engagement compétitif de la France dans la course à l’innovation. Peu importe la manière, pourvu que ça brille.
Over the rainbow
En mai dernier le Mouvement Impact France et le Boston Consulting Group ont associé leurs expertises pour tenter de définir les conditions d’émergence d’une nouvelle génération de "licornes à impact", en phase avec les limites planétaires et la transition écologique et sociale. C’est-à-dire ? "Des entreprises qui se donnent pour finalité de répondre à un problème social ou environnemental et qui, pour y parvenir, mettent l’ensemble de leur organisation en cohérence avec cet objectif." Cela a des implications très concrètes, que ce soit en matière de gouvernance ou de perception de la valeur créée. En effet, non seulement ces entreprises "accordent de l’importance à la limitation de leurs effets négatifs sur l’environnement et les personnes", mais aussi "au partage de la valeur générée au sein de leur société et du pouvoir avec l’ensemble des parties prenantes pour que l’impact positif reste au cœur des préoccupations de leur gouvernance." On compterait aujourd’hui entre 10 000 et 15 000 entreprises à impact en France, pour un chiffre d’affaires cumulé évalué entre 15 et 30 milliards d’euros. Mais elles souffrent encore d’un désavantage compétitif. Elles ne sont ainsi que 19% à parvenir à lever des fonds (contre 46% pour leurs concurrentes "classiques"), et pour 50% d’entre elles, la puissance publique ne fait pas assez pour les accompagner, notamment sur le plan fiscal. Pour y remédier, l’étude pointe trois pistes de solution que sont : la densification des écosystèmes publics et privés d’accompagnement, de soutien et de financement aux entreprises à impact ; la mise en place des politiques publiques fortes de soutien à l’innovation écologique et sociale, au même titre que l’effort fourni pour l’innovation technologique ; et surtout un changement de regard sur la création de valeur d’une entreprise, qui doit être appréhendée dans son ensemble.
On compterait aujourd’hui entre 10 000 et 15 000 entreprises à impact en France, pour un chiffre d’affaires cumulé évalué entre 15 et 30 milliards d’euros
Cornes de sobriété
Surfant sur ces conclusions, le Mouvement Impact France a, dès le mois d’août, à l’occasion de ses Universités d’été de l’économie de demain, décidé de mettre en avant les dix sociétés appelées à devenir les "licornes sobres" de demain. Railcoop, Ecomatelas et MagicPallet ont rejoint cette première sélection au mois d’octobre et trois autres viennent d’être dévoilées : Minéka, Biomède et À fond Gaston. L’objectif : attirer le regard de la société, des consommateurs et des investisseurs sur des entreprises qui participent à l’émergence d’une nouvelle économie créatrice de valeur pour chacun et respectueuse de l’environnement. On vous encourage à les découvrir. L’urgence climatique appelle à une nouvelle mystique.
Antoine Morlighem