GOOD COP
La Cop26 s’est conclue par le Pacte de Glasgow, signé par 196 pays. Un texte aux avancées insuffisantes selon la plupart des observateurs, mais l’essentiel pourrait bien être ailleurs.
Promesses
Le Pacte de Glasgow mentionne, pour la première fois, un objectif de réduction de l’utilisation d’énergies fossiles et invite les signataires à "accélérer les efforts vers la diminution progressive de l’énergie au charbon sans système de capture et des subventions inefficaces aux énergies fossiles." Autre point saillant, selon Christian de Perthuis, fondateur de la Chaire économie du climat à l’université Paris-Dauphine, dans un article publié sur le site The Conversation : les précisions apportées aux règles permettant la mise en place d’un dispositif de quotas ou de crédit d’émissions. "Les principaux points de blocage (risque de double comptage, intégrité du mécanisme) ont pu être levés. L’avancée est importante, car l’émergence d’un prix du carbone permettrait d’accélérer les réductions d’émissions de gaz à effet de serre."
Coalitions
Mais l’essentiel des avancées se situe moins dans le texte final que dans les accords thématiques menés par des coalitions de pays. C’est ainsi que 180 pays se sont engagés à enrayer la déforestation, avec une enveloppe de 16,5 milliards d'euros pour la protection et la restauration des forêts, que 107 nations, dont les États-Unis, ont promis de réduire leurs émissions de méthane de 30% d’ici à 2030 et que 39 États se sont accordés pour mettre fin au financement de l'exploration d’énergies fossiles à l’étranger sans technique de capture du carbone dès 2022.
De quoi la Cop est-elle le nom ?
Pas la panacée, nous diriez-vous. Mais est-ce vraiment le rôle d’une Cop ? Pour Christian de Perthuis, "le succès d’une Cop ne se mesure ni au nombre de ses participants, ni à celui des déclarations produites. Il se juge à sa capacité d’accélérer l’action climatique sur le terrain. Les Cop apportent un cadre et donnent des impulsions, mais c’est bien entre les Cop que se décide l’action climatique." C’est ainsi qu’il voit dans la baisse des coûts du renouvelable et du stockage de l’électricité ou encore dans la mobilisation sociétale montante, les vraies clés d’une dynamique vertueuse. Il est rejoint en ce sens par le chercheur François Gemenne qui confie aux Échos que "la Cop est un forum de coopération. Il ne faut pas remettre en cause le processus lui-même, mais l’inaction des États", qu’il accuse de se cacher derrière les blocages inhérents à un tel format de négociation.
Adaptation et responsabilité
L’ancien diplomate Gérard Araud résume, dans un tweet au réalisme froid : "les prophéties apocalyptiques maintiennent la pression sur les décideurs mais le combat contre le changement climatique sera un processus lent et décevant. C’est inhérent à la nature humaine. Adaptons-nous à cette réalité en nous préparant à une montée inévitable des températures." Et si, au-delà du fatalisme, la plus grande utilité de la Cop n’était pas de mettre en lumière la responsabilité de chacun ? Nous ne pouvons pas attendre d’un cerisier qu’il nous donne des pommes, et encore moins nous en étonner quand vient la récolte. La chaîne de défaussement du citoyen sur les entreprises, des entreprises sur les États, des États sur la coopération internationale doit cesser. Il n’y aura pas de solution miracle, de révélation mystique et salvatrice venues d’en haut. Le ciel est vide : dont acte. Donc actes.
ImageBAD COP
En marge de la Cop26, une question brûlait les lèvres des observateurs un tant soit peu concernés par l’avenir de la planète : nos dirigeants ont-ils pris la pleine mesure de l’urgence climatique ? Et bien la réponse est non.
Tout un symbole
Premier novembre, journée d’inauguration de la Cop26, Joe Biden, président des États-Unis, membres de l'Otan, de l’Apec, de l'Alena, de l'Oea, de l'Anzus, de l'OCDE, du G7, du G20, et membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, s’endort. Les altermondialistes y verront un je-m'en-foutisme déplacé sans se soucier de la possible inconsistance des longues séances auxquelles ils sont tenus d’assister. Pour sa défense, il convient d’admettre que l’exercice est subtil, complexe, tant il consiste, pour les différents membres de la convention, à trouver des solutions aux problèmes qu’ils ont eux-mêmes générés.
Paroles et paroles et paroles
Au milieu des remontrances géopolitiques envers la Chine et la Russie, Blackpink, un groupe sud-coréen, s’est exprimé par l’intermédiaire des quatre jeunes femmes qui le constituent, exhortant nos dirigeants à lutter contre le changement climatique. Une recommandation qui se matérialisera par un pacte pour réduire les émanations de méthane et par le vote d’un plan d’endiguement de la déforestation ; délicates attentions qui interrogent sur la production intellectuelle des Cop antérieures. À titre d’exemple, la Cop25 avait recueilli l’indignation d’António Guterres, secrétaire général de l’ONU : “Notre guerre contre la nature doit cesser. Et nous savons que c’est possible”. Deux ans plus tard, les travaux de la Cop26 ont un goût de victoire : il est convenu d’arracher un peu moins d’arbres. Premier jour toujours, Boris Johnson, Premier ministre britannique, tempête : “Un échec de cette Cop26 déclencherait dans le monde une colère incontrôlable”, avertit : “Plus on met de temps à agir, pire ce sera”, prêche : “Oui ça va être dur, mais oui, nous pouvons le faire. Alors mettons-nous au travail !” Un discours de vérité, lucide et ferme, suivi d’une mise en application individuelle, traduite par un retour à Londres en jet privé. Glasgow en aurait accueilli 400 à l’occasion de sa conférence.
Des observateurs consternés
Et puis il y a eu Greta Thunberg, qui semble bel et bien indispensable face à la somnolence et à l’inertie des rois du monde. Comme en réponse au Premier ministre anglais, elle déclare : “La Cop26 est un échec”. Peut-être est-ce mieux ainsi, car comme le souligne Nicolas Meilhan, consultant en stratégie spécialisé sur les secteurs du transport et de l’énergie : “Depuis que le salon mondial de la croissance verte (aussi appelé Cop) existe, les émissions de CO₂ n’ont jamais autant augmenté avec +50 % en 20 ans”. Les mots semblent demeurer la seule arme de nos dirigeants, mais les faits sont têtus et déterminés à prendre le contrepied des discours politiques, alors que l’empreinte humaine collectionne les records d’émissions de dioxyde de carbone ou de progression des températures. Treize novembre, le président de la Cop26, Alok Sharma, annonce, en conclusion et en larmes, l’adoption du pacte de Glasgow qui prévoit l’accélération de la lutte contre le réchauffement climatique, sans la condition de le contenir à 1,5 degré Celsius. Un accord pour entériner le désaccord indien relatif à la sortie du charbon, à l’issue d’une convention aux allures de réunion de copropriété pour le réglage du thermostat de l’immeuble. Fabrice Bonnifet, président du Collège des directeurs de développement durable (C3D), fulmine : “Rendez-vous à la Cop27 pour la signature du certificat de décès de l’humanité”. Le sursaut aura vraisemblablement lieu au pied du mur, à supposer que nous n’y soyons pas déjà.
Antoine Morlighem et Alban Castres