Si l’on en croit le Top 100, la scale-up du futur aurait plus de probabilité d’être britannique, de proposer une solution de SaaS – un logiciel applicatif hébergé sur le cloud – et de lever en moyenne 112 millions d’euros pour inscrire son nom dans la liste des entreprises valorisées à plus de 1 milliard. Et pourtant, pour Joy Sioufi, partner chez GP Bullhound, là n’est pas le secret pour devenir une licorne : "Les prochaines scale-up seront celles qui auront un réseau solide, il faut pouvoir s’appuyer sur un conseil d’administration impliqué, qui comprend l’ADN de l’entreprise, et c’est évidemment une question de maturité, car il faut une dizaine d’années pour changer d’échelle. Enfin, pour devenir un acteur incontournable, il faut aussi répondre à un besoin et à des problématiques dans l’air du temps, Ecovadis, qui apparaît dans le Top 100, s’est positionné en leader sur l’évaluation des performances RSE ; c’est sur cet aspect inédit qu’il faut capitaliser par sur un secteur".
Une analyse qui fait écho à l'actualité de l’écosystème des licornes: Doctolib, la start-up créé il y 9 ans, dont le service est devenu clé pendant la pandémie de Covid, a passé la barre des 5,8 milliards de valorisation la semaine dernière à la suite d’un tour de table de 500 millions d’euros réalisé exclusivement avec ses investisseurs historiques, Bpifrance, Eurazeo et General Atlantic.
"L’attente du milliard n’est pas la fin d’un cycle mais le début d’un nouveau"
Le piège de la valorisation
Si la capacité de dépasser le milliard de valorisation est le critère pour intégrer le Top 100 next Unicorns, et que les montants de valorisation records font la une, cela n’en fait pas le critère central pour devenir une des licornes européennes. Joy Sioufi précise : "Il ne faut pas accorder autant d’importance à la valorisation, certes elle est synonyme de plus de liquidité, de capitaux et donc de plus d’indépendance mais il faut avant tout un axe de croissance clair ; l’attente du milliard n’est pas la fin d’un cycle mais le début d’un nouveau".
Enfin, il faut aussi noter qu’en 2021 les valeurs des start-up à forte croissance ont doublé grâce au contexte très attractif des marchés pour les capitaux privés européens et américains qui ont flèché leurs investissements sur les valeurs tech, notamment sur le marché français.
"La réussite tricolore s'explique par la prise en charge de la dynamisation de l'écosystème par l’État comme ce fut le cas au Royaume-Uni"
La France s’impose à la deuxième place du podium
Parmi les 14 pays présentés dans le classement, le Royaume-Uni est en tête avec 24 scale-up, suivi, pour la première fois, de la France avec 18 potentielles licornes, et 16 pour l’Allemagne. Un signal fort pour la maturité de l’écosystème français qui a dépassé l’objectif des "25 licornes en 2025" fixé par le président de la République en atteignant les 27 l début 2022. Parmi les futures élues françaises, citons Ecovadis, Brut, Luko ou encore Sendinblue.
Joy Sioufi explique cette réussite tricolore en insistant sur "la prise en charge de la dynamisation de l'écosystème par l’État comme ce fut le cas au Royaume-Uni. Un pays qui, en plus bénéficie de forts liens avec le marché américain, ce qui justifie sa première place". Ailleurs, sur le Vieux Continent, l’Italie ressort comme le marché en devenir, Scalapay étant devenue la première licorne du pays en 2022.
Pour ce top 100, il faudra suivre l’actualité dans les mois à venir. Les valorisations de plus en plus élevées sont le signal d’une attractivité constante pour ces entreprises à forte croissance, un bon point pour Joy Sioufi qui ajoute néanmoins que l’on assiste à une correction naturelle des valeurs tech depuis le début de l’année. Enfin, si certaines entrées en Bourse seront décalées en raison du contexte incertain dû au conflit, le marché de l’investissement dans les sociétés tech privées resterait une valeur refuge.
Céline Toni