Décideurs. Que faites-vous pour les entreprises françaises qui cherchent à se développer à l’international ?
Emmanuel Denoulet. Nous sommes partis d’un constat : les entreprises françaises ont tendance à brider leur potentiel de développement à l’international, en particulier les entreprises indépendantes ou familiales. En effet, dans le contexte d’un investissement conséquent, synonyme d’une implantation industrielle ou d’une croissance externe, il faut souvent envisager une ouverture du capital. Or, selon nos études, une entreprise familiale sur deux s’y refuse et renonce ainsi à son projet de développement à l’étranger.
Le Fonds Build-up International de Bpifrance (FBI) propose une alternative en intervenant de manière novatrice en co-investissant avec des entreprises françaises directement à l’étranger. Notre fonds devient donc actionnaire – toujours minoritaire – non pas de l’entreprise française mais de sa filiale à l’étranger, à ses côtés, à l’occasion d’une opération de croissance externe ou d’un greenfield. Au bout de 5 à 8 ans, nous nous effaçons en leur cédant notre participation.
Hormis le soutien financier que vous représentez, votre accompagnement va jusqu’où ?
Nous essayons d’intervenir le plus en amont possible. Dans l’hypothèse d’une acquisition, cela va être dès que l’opportunité se crée, voire encore plus en amont en incitant les entreprises françaises à aller à la chasse. Nous pouvons les soutenir en leur présentant des banques d’affaires partout dans le monde qui vont leur permettre de réaliser des études de marché et de dénicher des cibles pertinentes.
Lorsque l’opération se présente, nous la négocions avec eux et prenons le risque ensemble. Enfin, notre accompagnement s’étend jusqu’au suivi, en qualité de board member de la société rachetée.
"Pour réussir, une croissance externe doit, avant tout, être méticuleusement préparée"
Une croissance externe à l’international n’est pas toujours synonyme de succès. Comment se prémunir et quel est l’atout d’avoir à ses côtés un fonds comme le vôtre ?
Effectivement, la croissance externe est risquée. Une fois sur deux elle se solde par un échec. En revanche, quand elle fonctionne, elle est un vecteur de croissance puissant.
Pour réussir, elle doit, avant tout, être méticuleusement préparée. Il est primordial de se faire accompagner avec les meilleurs conseils. Dans le cas contraire, ils sont synonymes de mauvais deals.
Par ailleurs, il faut que la gouvernance soit bien calibrée. L’objectif étant que le dirigeant ne soit jamais seul. Dans les entreprises françaises c’est souvent là que le bât blesse. De même, la stratégie doit être étudiée et cadrée dès le début du process. Cela passe par un projet d’entreprise inspirant incarné par les dirigeants et partagé par les salariés
Ensuite, j’aime à dire que lors d'une croissance externe, il faut privilégier la chasse plutôt que la pêche. Si une entreprise, qui souhaite s’implanter à l’étranger, reste passive et attends que les dossiers se présentent, les probabilités de conclure seront plus faibles, notamment dans un processus d’enchère. Par ailleurs, il est plus facile de trouver chaussure à son pied quand on sait ce que l’on cherche.
Il ne faut pas non plus négliger la "négo-séduction". Les Français ne sont pas les meilleurs en la matière or lorsqu’une entreprise en rachète une autre elle doit être à la fois acheteur et vendeur. Il faut en effet vendre son projet, sa stratégie, sans négliger le facteur humain et émotionnel, pour séduire le vendeur. De l’autre côté, en qualité d’acheteur, il faut toujours garder du bon sens. Pourquoi l’entreprise est-elle à vendre ? Quels sont les véritables enjeux des vendeurs ? Qui reste ? qui part ? La culture est-elle compatible ? Autant de questions qui peuvent trouver leurs réponses dans des due diligences fouillées mais avec discernement.
Enfin, l’intégration doit se préparer dès le début du process et prendre en compte que le temps nécessaire est toujours plus long que ce que l’on prévoit.
Propos recueillis par Béatrice Constans