TGV, Rafale, cœur artificiel, Airbus A320… En préambule de la présentation du plan d’investissement, dévoilé mardi 12 octobre par Emmanuel Macron, était projeté à l’Élysée une courte vidéo mettant en avant les innovations françaises à succès. S’ensuivait la présentation d’un programme de 30 milliards d’euros pour façonner la France d’ici à 2030. Un plan que le Président veut ambitieux mais réaliste. C’est à travers dix objectifs que le chef de l’État entend permettre au pays de devenir et rester leader dans les secteurs où il est déjà à la pointe et de rattraper son retard dans les domaines stratégiques où, souveraineté oblige, la France ne peut se permettre de se laisser encore distancer.
Les objectifs visent à répondre aux défis auxquels la planète est confrontée. Le changement climatique a été le premier à être évoqué, suivi de la problématique démographique. Si des pays comme la France font face à une baisse de la natalité, d’autres territoires connaissent une explosion de leur population. Résultat : l’augmentation du nombre d’hommes sur Terre pèse sur les ressources qui ne cessent de se raréfier, ce qui accroît dans un deuxième temps la pression migratoire sur certains pays. Enfin, Emmanuel Macron pointe du doigt l’accroissement des inégalités, accéléré par une hyper-financiarisation et l’usage des technologies. "Tout cela crée une série de chocs et le doute démocratique s’installe", constate le Président qui se dit convaincu par le modèle social français mais déplore une productivité moindre que chez nos voisins qui nuit à l’innovation. "Il faut avoir un pays qui produise davantage", affirme-t-il.
Moins de CO2, plus d’énergie verte
Le plan qu’Emmanuel Macron a voulu coconstruire avec les acteurs (chercheurs, représentants de branches, entrepreneurs, élus, etc.) va dans ce sens et touche à plusieurs domaines qui se nourrissent les uns des autres. Le Président a souhaité mettre en haut de la liste le nucléaire, secteur souvent controversé mais dans lequel 200 000 personnes travaillent en France. Il entend faire émerger d’ici à 2030 des réacteurs de petite taille innovants et garantir une meilleure gestion des déchets. Un objectif qui se conjugue avec la deuxième ligne du programme dévoilé mardi : devenir leader sur l’hydrogène vert. Car, pour le produire, il faut de l’électricité. D’où l’intérêt de rester et pousser les feux dans le nucléaire, et d’investir dans les technologies de rupture sur l’énergie non renouvelable. Troisième objectif : décarboner l’industrie. Le chef de l’État vise une baisse des émissions du secteur de 35 % d’ici à 2030 grâce à des investissements publics et privés. En tout, 8 milliards d’euros seront alloués à cette première partie de feuille de route.
"Il faut avoir un pays qui produise davantage"
Emmanuel Macron n’a pas oublié les transports, leur débloquant 4 milliards d’euros. Il souhaite voir produire sur notre territoire près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides, toujours sur la période courant jusqu’à 2030. Le Président rappelle la nécessité pour les constructeurs français de coopérer davantage afin de compter dans l’échiquier mondial. Pour ce qui est de l’aviation une priorité a été rappelée : que l’Hexagone produise le premier avion bas carbone. Non pas en 2035 comme annoncé il y a quelques mois encore, mais bien en 2030. Une prouesse technologique que le Président croit possible à l’heure où des vaccins sont élaborés en une année.
Culture des terres, culture du citoyen
Autre pan du plan d’investissement : miser sur une alimentation saine, durable et traçable. Les agriculteurs doivent toucher des revenus à la hauteur de leur travail et de leurs investissements. La France doit également éviter certains pesticides, mieux gérer les données liées au secteur et accélérer sur la diversité génétique, qui permettra de produire des aliments plus résistants. Enveloppe prévue à cet effet ? 2 milliards d’euros, fonds propres inclus. La problématique de la santé a également été mise en avant par le chef de l’État qui souhaite que la France redevienne un pays leader sur le sujet, notamment grâce à une médecine davantage prédictive et innovante.
"Le rôle de la puissance publique est de déclencher des investissements"
La culture n’a pas été oubliée par le Président qui met l’accent sur les contenus culturels et créatifs. "Le secteur privé doit investir. Le rôle de la puissance publique est de déclencher des investissements" carles séries, films et autres jeux vidéo "forgent notre imaginaire" et l’accès à des représentations culturelles et futuristes qui ne sont pas les nôtres sont un "combat civilisationnel" à mener. Enfin, la France souhaite investir davantage sur deux autres sujets, l’espace et les fonds marins, afin de ne "pas laisser dans l’inconnu une part aussi importante du globe."
Les conditions de cette réussite ? Garantir l’accès aux matériaux (bois, plastiques, métaux) et à leur recyclage, sécuriser des écosystèmes (cloud, cybersécurité, etc.), investir dans les talents, flécher correctement le capital… L’argent consacré à ce plan sera "levé sur les marchés et sanctuarisé", insiste Emmanuel Macron. Des projets seront coconstruits avec l’Europe. Côté agenda, 3 à 4 milliards d’euros de crédits devraient être débloqués dès janvier 2022. Quant à la gouvernance du plan, elle sera présentée dans un deuxième temps et répondra à une volonté de fonctionner en "esprit commando", adaptable et simplifié qui permettra de suivre les projets et de mettre en place rapidement les décisions. Avec ce plan, la France montre sa stratégie et ses ambitions et Emmanuel Macron se projette dans l’avenir, mettant en avant sa capacité à donner une impulsion sur le long terme. Un argument de campagne pour 2022 ?
Olivia Vignaud