Décideurs. Quelles raisons ont poussé Euronext à se positionner sur le rachat de Borsa Italiana ?
Stéphane Boujnah. Il était naturel d’accueillir au sein d’Euronext les infrastructures de marché d’un pays du G7 et de la troisième économie d’Europe. Les actifs de Borsa Italiana regroupent non seulement la place boursière d’un membre du G7, mais aussi une plateforme de compensation dont Euronext ne disposait pas à ce jour. Borsa Italiana gère également la plus grande plateforme de négociations des obligations souveraines en Europe. Dans un environnement où les dettes souveraines sont la classe d’actifs qui devrait connaître la plus forte croissance dans les mois et années à venir, la capacité à prendre le contrôle d’une telle infrastructure prend tout son sens. L’assemblée générale des actionnaires d’Euronext a approuvé cette acquisition à la quasi-unanimité des votes. Ce qui reflète le soutien et la confiance de nos investisseurs.
Quelle a été la stratégie mise en place par le groupe pour finaliser cette opération, en concurrence avec SIX Group et Deutsche Börse ?
La clef de cette opération a été l’anticipation. Nous avons établi très en amont un dialogue avec toutes les parties prenantes en Italie pour qu’elles comprennent l’intérêt d’un rapprochement. Ce travail de fond a été réalisé depuis plus de deux ans. Le deuxième point important était de dire la vérité, à tout le monde et tout le temps. Quand on a un projet ambitieux avec un plan cohérent et clair, on gagne. Ce n’est pas le cas quand le chemin est sinueux, imprécis et que l’on change d’avis en cours de route. La raison du succès repose sur la cohérence de la démarche et la détermination qui a été la nôtre. En matière de gouvernance, nous proposons à nos partenaires ce que nous avons mis en place depuis déjà vingt ans pour les autres pays qui nous ont rejoints et dont ils peuvent vérifier la mise en œuvre et le fonctionnement au quotidien. Nous n’avons pas promis de choses nouvelles, nous avons proposé des modes de gouvernance équilibrés qui existaient déjà.
Quelles perspectives d’avenir peuvent être attendues pour Euronext ?
Nous pensons que le sens de la Bourse, ce sont les entreprises, et leur accès aux fonds propres, nécessaires à leur croissance, contrairement à d’autres acteurs. Le financement de l’économie réelle, les métiers de la cotation et la négociation de titres sont au cœur de nos ambitions. Nous avons donc trouvé une manière, fidèle à l’ADN d’Euronext, de satisfaire nos clients avec les métiers d’actions.
"Nous sommes engagés dans une démarche de diversification de notre base de revenus"
Cela étant, nous sommes engagés dans une démarche très déterminée de diversification de notre base de revenus. Nous avons notamment racheté la Bourse de Dublin, dont l’essentiel de l’activité réside dans la cotation d’obligations, mais aussi Fastmatch, maintenant appelée Euronext FX, une plateforme de négociation de devises, et Nord Pool pour entrer dans le secteur de la négociation d’électricité. Nous sommes également présents dans les métiers de la post négociation, notamment grâce au projet d’acquisition de Borsa Italiana et de sa plateforme de compensation, CC&G. Notre détermination à nous diversifier est très forte, mais nous gardons un mandat historique qui reste la construction d’une infrastructure de marché pour financer l’économie réelle en Europe.
La recette du succès d’Euronext est simple : notre principal concurrent est la résignation et Notre devise, "Unis dans la diversité". Nous sommes guidés par la philosophie formulée par Thucydide, dans La Guerre du Péloponnèse : "Il faut choisir : se reposer ou rester libre." Nous avons choisi de rester libres et de créer une plateforme de marché européenne en croissance et profitable tout en nous engageant dans une diversification de nos sources de revenus.
Propos recueillis par David Glaser