L’énergie s’est inscrite au cœur des problématiques actuelles. Dans un contexte fortement chahuté, Mounir Meddeb, fondateur d’Energie-legal, revient sur les conséquences de la guerre en Ukraine et détaille les problématiques qui touchent le secteur de l’énergie aujourd’hui.
Pourriez-vous nous présenter votre cabinet et son champ de compétences ?
Energie-legal est un cabinet d’avocats qui intervient exclusivement dans le secteur de l’énergie en France et dans certains pays en Europe et en Afrique pour offrir aux acteurs du marché de l’énergie, une expertise juridique approfondie acquise depuis près de vingt ans dans le cadre de projets énergétiques : financement, acquisitions, structuration de projets, développement. Dans ce cadre, nous disposons d’une expertise très reconnue en matière de projets d’énergies renouvelables : photovoltaïque, éolien, méthanisation, hydroélectricité, cogénération, géothermie, efficacité énergétique ainsi que dans le cadre des projets de stockage et d’hydrogène vert.
"Il n’en demeure pas moins que les projets ENR continuent à sortir de terre"
Ainsi, nous sommes intervenus en 2021 dans le cadre de plus 1 GW de projets ENR dont près de 850 installations photovoltaïques (acquisition, financement, refinancement), totalisant près de 420 MW et des parcs éoliens pour une puissance totale de près de 600 MW. En 2021 et 2022, nous avons accompagné les financements de 22 projets de méthanisation.
Pourriez-vous dresser un état des lieux du secteur de l’énergie aujourd’hui ?
Le secteur de l’énergie connaît des bouleversements profonds et durables dont seule une partie peut être attribuée à la guerre en Ukraine. La transition énergétique est et doit être désormais le moteur qui anime le secteur de l’énergie et qui détermine les décisions structurelles et les objectifs. Ce n’est plus une alternative. De là découle une série de conséquences réglementaires, techniques, économiques. Dans ce cadre et pour se limiter aux aspects juridiques, il est impératif que le cadre réglementaire évolue rapidement et se stabilise sur la longue durée. En dix ans, nous avons eu dix lois portant sur l’énergie dont trois ou quatre structurantes. Nous avons une tentation des pouvoirs publics de prendre des mesures rétroactives.
Tout cela est néfaste pour le développement des projets ENR et leur financement dans des conditions satisfaisantes. L’épisode des mesures rétroactives concernant les tarifs photovoltaïques S06-S10 a créé un réel traumatisme pour un résultat financier pour l’État qui devra s’avérer assez modeste. Pour finir sur une note optimiste, certes le développement se complexifie, le financement coûte un peu plus cher, le foncier est de plus en plus difficile avec parfois des pratiques douteuses, il n’en demeure pas moins que les projets ENR continuent à sortir de terre, des opérateurs nouveaux et expérimentés se lancent, d’autres se développent efficacement, alors que certains craignaient une oligopolisation du secteur des ENR, de nouveaux acteurs de financement interviennent sur le marché…
Quelles sont les premières conséquences de la guerre en Ukraine sur le plan énergétique et comment envisagez-vous la suite ?
Au-delà du drame qu’elle représente, la guerre en Ukraine a fait toucher du doigt la forte dépendance énergétique de la France et de l’Europe de sources exogènes et en premier lieu le gaz et le pétrole. De manière réaliste, les alternatives ne sont pas nombreuses et au premier titre desquelles et heureusement, figurent les ENR, toutes filières confondues ainsi que la filière de l’efficacité énergétique. Dans ce cadre, la loi sur l’accélération des ENR s’inscrit dans le bon sens, sous réserve du texte définitif, avec des oscillations, pour certaines inquiétantes entre le Sénat et l’Assemblée, et selon les amendements et les sous-amendements. Évidemment, une deuxième loi portant sur le nucléaire se prépare en parallèle. Toutefois, les projets ne s’inscrivent pas dans la même temporalité. Ainsi, le parc éolien le plus lent à développer pourra être mis en service dans des délais toujours excessivement longs mais infiniment plus courts que la moindre tranche nucléaire.
Quelles problématiques rencontrent vos clients aujourd’hui ?
Les problématiques sont variées et pas seulement conjoncturelles. Les principales sont liées aux coûts de construction et aux difficultés d’approvisionnement, ou du moins aux délais pour les modules, voire peut-être demain les onduleurs, aux coûts de financement qui ont progressé au vu du contexte mais également comme indiqué au cadre réglementaire instable, incertain et fragile sur certains aspects. À titre d’exemple, il est préjudiciable d’avoir toujours une incertitude quant à la notification par les pouvoirs publics des mesures de soutien des filières à la Commission européenne avec les conséquences que cela peut engendrer. La filière de l’éolien et la filière solaire, pour partie, en savent quelque chose. Dans ce cadre, notre rôle en tant que conseil juridique est d’apporter l’éclairage juridique le plus actualisé possible, de proposer des solutions et des montages opérationnels. Le contexte mouvant, les structurations innovantes et les objectifs ambitieux et accélérés supposent et requièrent une grande agilité, une vision pragmatique du droit et souvent une approche au cas par cas.
Quelles tendances se révèlent en matière de droit de l’énergie ?
Le droit de l’énergie connaît comme indiqué une grande instabilité, préjudiciable aux projets, à leur développement et leur financement. Dans ce cadre, les tendances portent sur une complexification croissante induite par plusieurs facteurs : l’intervention du droit européen en plus du droit français, la multiplicité des types d’acteurs de marché, une réglementation très technique, l’accroissement des défis, les enjeux croissants de sécurité, etc.
"Le secteur de l’énergie connaît des bouleversements profonds et durables"
Par ailleurs, la place du contractuel se développe, même si l’on reste dans le cadre d’un secteur extrêmement réglementé et encadré. Ainsi, une importante part du marché s’inscrit désormais dans le cadre de corporate PPA, qui ne sont ni plus ni moins que des contrats de commerciaux de vente d’électricité directement par un producteur. On observe également une place de plus en plus importante de la soft law, ce qui peut être favorable au secteur du fait de l’origine même de cette soft law. Le régulateur a, à ce titre, un rôle à jouer. Tout cela rend notre activité extrêmement séduisante et intellectuellement stimulante de par sa diversité et les enjeux concernés. Ainsi, passer dans la même journée de la préparation du financement d’un portefeuille de toitures solaires à l’audit d’un projet de méthanisation, ou encore par la négociation d’un contrat de fourniture de GNL, tout en ayant un oeil sur les discussions concernant la loi sur l’accélération des ENR et aux prises de position au niveau européen, nous conforte dans le choix de ce secteur pour notre cabinet.