La permaentreprise au secours de la planète

Basé sur le concept de permaculture, autrement dit la création d’écosystèmes respectueux de la biodiversité, la permaentreprise entend cultiver une activité performante, attentive à l’humain et à la planète, par l’exploitation frugale des ressources et le partage des bénéfices. Discernement pour certains, hérésie pour d’autres.

Si le terme "permaentreprise" est encore souligné de rouge dans Microsoft Word et ne possède pas déjà sa définition Wikipédia, c’est que le principe est encore méconnu. Son concepteur, Sylvain Breuzard, PDG de Norsys, président du conseil d’administration de Greenpeace France et fondateur du réseau Étincelle, la définit comme "la recherche d’une performance globale économique, sociale et environnementale" en partant du principe que notre modèle de développement n’est pas viable. Il a bâti la raison d’être et l’activité de Norsys selon trois principes éthiques indissociables : prendre soin des humains, préserver la planète et se fixer des limites en partageant le surplus. Une volonté qui tiendrait du bon sens si elle n’était pas travestie par un grand nombre d’entreprises.

L’insuffisante RSE 

Fondamentalement, la permaentreprise se révèle être la mise en pratique effective de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Sylvain Breuzard évoque la genèse du concept : "De 2002 à 2004, j’ai présidé le Centre des jeunes dirigeants d’entreprise (CJD), un mouvement créé en 1938 regroupant quelques milliers d’entreprises avec pour objet de mettre une économie au service des hommes. Au même moment, la RSE, originaire des États-Unis, arrivait en France. J’ai souhaité développer une dynamique que j’appelais à l’époque la recherche d’une performance globale économique, sociale et environnementale." En théorie, la responsabilité sociétale des entreprises se définit comme la contribution des entreprises aux enjeux du développement durable. Elle se traduit, en pratique, trop souvent par l’organisation de séminaires de golf, l’acquisition d’un baby-foot ou la distribution mensuelle et gracieuse de croissants le premier lundi du mois. Une forme de corruption légale, avantageuse dans les têtes, insuffisante dans les faits. 

Le bruit ne fait pas de bien et le bien ne fait pas de bruit

Genèse et pratique

De même que la permaculture trouve sa singularité dans le contre-pied du modèle agricole dominant, le concept de permaentreprise ne manque pas d’atouts et ne remet pas en question la nécessité de production, mais plutôt les conditions de cette production, en se basant sur la permanence des ressources et le principe d’efficacité dans son sens le plus noble. Le PDG de Norsys poursuit : "Finalement, en  2019, je me suis rendu compte que vingt  ans après, toute cette RSE appliquée par des entreprises n’a pas empêché le monde de se dégrader, tant environnementalement que socialement." Le concept impose donc de définir, pour chaque enjeu, les projets, les actions et leurs objectifs d’impact quand le principe du capitalisme consiste prioritairement, voire exclusivement à générer du bénéfice. Une traduction dans les faits qui passe par la production de bilans carbones individuels afin d’ajuster ou de compenser certaines émissions… avec l’objectif d’une contribution nette et positive à horizon 2025. Dans la vraie vie, celle des labels et de la communication, la notion de raison d’être a fleuri, vignette superficielle des entreprises qui n’en ont généralement pas. Comme l’a souligné Saint-Vincent-de-Paul, "le bruit ne fait pas de bien et le bien ne fait pas de bruit".

Du cynisme à la bonne volonté ?  

Bien que la préoccupation environnementale ne semble ancrée que superficiellement dans les têtes dirigeantes, l’urgence à laquelle elle aspire à répondre figure désormais pleinement dans l’esprit collectif. Peut-être cela fait-il trop longtemps qu’il nous est rabâché que l’on est dans un moment crucial pour que les prédictions les plus alarmantes restent crédibles? Peut-être les plus brillants économistes ont-ils estimé le prix de la Terre à la baisse ? La sobriété du modèle de la permaentreprise pourrait, au-delà de sa vertu écologique, se révéler attractive auprès des consommateurs comme des talents. Des points de préoccupation généralement plus tangibles pour les chefs d’entreprise.

Alban Castres

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