Chefs d’État, ministres, négociateurs, chefs d’entreprise, militants et représentants de la société civile se réuniront pour la COP 27 à Charm El-Cheikh en novembre prochain. Politiques et décideurs africains comptent bien peser dans les débats. Une implication qui pousse à questionner la symbolique du lieu ; et par extension la place de l’Afrique dans les enjeux environnementaux actuels. Décryptage.

Un constat empirique s’impose : l’Afrique est le continent qui pollue le moins mais qui subit de plein fouet les effets du réchauffement climatique. En effet, alors que le continent abrite plus de 18% de la population mondiale, celui-ci n’est responsable que de 4% des émissions globales de CO2. De quoi légitimement crier à l’injustice climatique. En tant que pays hôte, l’Égypte se fera le porte-voix de tout un continent… et mettra les puissances industrialisées face à leurs responsabilités. Comme le soulignait la ministre de l’Environnement égyptienne Yasmine Fouad sur la chaîne Africa News : “L'Égypte devrait jouer ce rôle pour représenter le continent africain et ses besoins de manière claire et explicite : nous ne sommes pas à l'origine de ces émissions, mais c'est nous – notre peuple et nos ressources naturelles – qui sommes touchés. À ce stade, une position doit être prise au niveau de la communauté internationale pour dire que chacun doit remplir ses obligations, comme le prévoit l'Accord de Paris.”

Des promesses insuffisantes

La COP 26 avait pris fin sur une note de promesses ambitieuses malgré un bilan globalement mitigé. Cent pays, dont le Brésil, s’étaient engagés à faire cesser la déforestation à l’horizon 2030. Un accord avait été trouvé sur la réduction des émissions de méthane et le pacte de Glasgow avait été mis en place, indiquant que l’aide à l’adaptation aux conséquences des changements climatiques devrait être doublée d’ici 2025 par rapport à 2019. La France avait quant à elle promis de ne plus investir dans les énergies fossiles ; ce qui marquait un tournant certes difficile mais inévitable selon Barbara Pompili, ancienne ministre de la Transition écologique. Des prises de position nécessaires, mais  dramatiquement insuffisantes, comme le soulignait le secrétaire général de l’ONU António Guterres : "Nous sommes confrontés à un choix difficile. Soit nous arrêtons le réchauffement climatique, soit il nous arrête. Nous creusons notre propre tombe.". Dès l’ouverture de l’événement en 2021, il avait invité les pays à respecter les engagements de l’Accord de Paris en réduisant davantage les émissions de carbone. À l’heure où les prix de l’énergie explosent et les conséquences du réchauffement climatique se font clairement sentir, un sursaut est attendu pour cette COP 27. Sans grande conviction, à en croire la plupart des observateurs.

À l’heure où les prix de l’énergie explosent et les conséquences du réchauffement climatique se font clairement sentir, un sursaut est attendu pour cette COP 27

L'Afrique en ordre de marche

En amont de l’événement, l’Égypte a considérablement renforcé ses efforts pour faire face au changement climatique, en définissant une stratégie pour une économie verte et une vision pour une croissance économique durable. Le pays accélère les projets écologiques, notamment par la mise en place d’un hôpital vert : Sharm el Cheikh Hospital, premier établissement médical du genre en Afrique. Mais aussi à travers la conception de villes durables, de parcs éoliens, de centrales hydro-électriques... D’autres pays veulent également démontrer qu’ils peuvent constituer un laboratoire de solutions, à l’image de la RDC qui met en avant la gestion durable de sa forêt primaire. Autre exemple, la mise en place d’une stratégie régionale pour faire face au réchauffement climatique par les pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Par ailleurs, une Cop 15 sur la désertification et la sécheresse avait mobilisé entre le 9 et le 20 mai 2022, un grand nombre de jeunes en Côte d’Ivoire, directement concernés, pour débattre autour de ces thématiques. Ces leviers d’action démontrent la mobilisation  de plus en plus prégnante des pays africains...

L'union fait la force

L'Afrique, qui peinait auparavant à se positionner dans ce type d’événements, prend la mesure de son rôle à jouer dans la partition de la transition écologique.  Seulement, sa parole n’a pas de réelle prépondérance à l’échelle mondiale. Pour combler ces manquements, des coalitions émergent et tentent de faire valoir les différentes voix qui la composent. Ainsi, le groupe des négociateurs des pays les moins avancés (PMA), qui rassemble 46 des pays en développement ; dont 34 pays africains, met en avant une stratégie d’unicité pour mieux se faire entendre. De plus, cette année, Anicet Durand Oboue, coordinateur national de l'Alliance panafricaine pour la Justice climatique (PACJA - Côte d'Ivoire) encourage les Africains à se mobiliser massivement pour participer aux échanges, notamment les jeunes qui représentent plus de 77% de la population du continent. Pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer  il évoque la possibilité de faire entendre leurs voix par le truchement des forums de discussion en ligne. Convaincus que seule l’union leur permettra de peser dans les débats, les pays africains devraient par ailleurs défendre une position commune lors de cette COP27, notamment sur les questions énergétiques.

Revendications légitimes

Selon la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, “La COP27 […] a pour objectif de porter la voix des dirigeants africains, afin de mobiliser plus de soutien international pour un rétablissement écologique de l'Afrique”. C’est dans cette dynamique que plusieurs représentants de pays africains exhortaient les pays développés à respecter leurs engagements financiers stipulés par le Fonds vert. Ils souhaitent inscrire et pérenniser dans l’agenda de la COP cet enjeu afin d’enrayer les conséquences désastreuses du réchauffement climatique sur le continent. Selon la militante écologiste sénégalaise Aïssatou Diouf, "le premier combat est de faire en sorte que le mécanisme financier pour les pertes et dommages soit maintenu dans l'agenda qui sera discuté le premier jour. Et ce n'est pas encore gagné". Dans un entretien accordé à France Info, elle met l’accent sur la nécessité de s’accorder sur les mécanismes de financement et d’imposer ce sujet lors de cette prochaine conférence des parties. Dans le contexte géopolitique actuel, rien n’est moins sûr.

En outre, sensibiliser sur les dommages de l’inaction devient alors une nécessité accrue. D’après une lettre ouverte rédigée par 16 rédacteurs en chef, et publiée dans 250 revues biomédicales ce 19 octobre, les résultats de l’expertise sont sans équivoque : "les crises en Afrique vont s’étendre dans tous les coins du monde, tôt ou tard. ". Et à l’instar de la pauvreté, la crise climatique engendrera des migrations forcées.

Aicha Fall