Nombreux sont les observateurs à trouver les plans de Musk irréalistes et sa stratégie hors sol. Mais l’homme le plus riche du monde n’accorde aucune attention aux critiques. Elles étaient les mêmes lorsqu’il a lancé Tesla ou Space X. Avec les résultats que l’on connaît.
Tout commence par un sondage en ligne. Le 5 mars 2022, Elon Musk pose innocemment cette question sur Twitter : "La liberté d’expression est essentielle au fonctionnement d’une démocratie. Pensez-vous que ce réseau social adhère rigoureusement à ce principe ?" La réponse est massive et sans appel : deux millions de votes répondent non à 70 %. Un chiffre qui interpelle l’homme le plus riche du monde dont la fortune est estimée à 263 milliards de dollars. Libertarien, pourfendeur du politiquement correct et du wokisme, le natif de Pretoria décide de passer à l’action. À sa manière ; c’est-à-dire à la hussarde.
Attaque à la hussarde
Immédiatement, l’homme d’affaires sulfureux achète en toute discrétion 9,2 % des actions de Twitter. Poussé par la loi, il rend publique cette acquisition… Et l’action gagne 25 %. Dix jours plus tard, il lance une OPA sur un groupe "coupable" d’incarner le progressisme made in Silicon Valley. La suite est un véritable feuilleton marqué par les étapes suivantes : le board de Twitter refuse l’offre, puis l’accepte le 24 avril et les négociations s’engagent. Contre toute attente, le 13 mai, Musk annonce unilatéralement qu’il suspend l’accord d’achat. La raison ? Un rapport montrerait que 5 % des utilisateurs actifs quotidiens seraient des comptes de spams et des bots. Ce qui fait chuter le cours de Bourse de plus de 10 %. Certains esprits taquins avancent que l’idée serait de faire baisser le prix de l’action... et de l’achat. Finalement, dans la nuit du 27 au 28 octobre, la vente est actée et le bad boy du capitalisme américain devient seul maître à bord pour la modique somme de 44 milliards de dollars.
À la grande satisfaction des milieux conservateurs. Dans les heures qui suivent le changement de gouvernance, Donald Trump se réjouit ainsi de voir que "Twitter soit désormais entre de bonnes mains et ne soit plus dirigé par des fous et des maniaques de la gauche radicale qui détestent vraiment notre pays".
Donald Trump se réjouit que "Twitter ne soit plus dirigé par des fous et des maniaques de la gauche radicale"
Le grand ménage
Première mesure : virer le triumvirat à la tête du groupe. Le directeur général Parag Agrawal, le directeur financier Ned Segal et la directrice des affaires publiques et juridiques Vijaya Gadde, accusée d’avoir validé le bannissement de Donald Trump, sont débarqués. Selon Bloomberg, le coût des trois licenciements s’élève à plus de 100 millions de dollars d’indemnités. Mais le nouveau patron veut marquer son territoire et, pour paraphraser les Tontons flingueurs, "montrer qui c’est Raoul". Deux semaines plus tard, c’est au tour des salariés du groupe de faire la connaissance de leur nouveau boss. Dans un mail, il laisse le choix suivant à ses collaborateurs : "travailler de longues heures à haute intensité" ou prendre la porte
Cet exemple typique de management par la terreur n’est pas exempt d’arrière-pensées. Elon Musk compte se séparer de la moitié des effectifs du groupe, s’ils partent d’eux-mêmes, c’est encore mieux ! Dans les jours qui suivent, ils sont des milliers à quitter le vaisseau amiral du groupe à San Francisco. Sur les réseaux sociaux, certains ne cachent pas leur tristesse ou leur acrimonie.
Cost Killer
Si Elon Musk a eu la main lourde sur les suppressions de postes, il s’inscrit dans la lignée de la direction précédente qui projetait de se séparer de près d’un quart des effectifs. Un plan social loin d’être isolé dans la tech américaine qui traverse une zone de turbulence. Meta, maison mère de Facebook, Instagram et WhatsApp, a annoncé cet automne le licenciement de 13 % de ses effectifs. Les géants chinois de la tech agissent de la même façon. Le nouveau propriétaire a également envoyé des ingénieurs de chez Tesla dans les locaux de Twitter pour passer toutes les dépenses au peigne fin afin de tenter d’économiser entre un et trois millions de dollars par jour. Cela pourrait passer par des ruptures de contrats avec des fournisseurs pourtant indispensables au bon fonctionnement du réseau. Les personnes en charge de la modération des contenus sont dans l’œil du cyclone car accusées de brider la parole, d’instaurer une pensée unique.
Si Elon Musk a eu la main lourde sur les licenciements, c'est aussi le cas de Mark Zuckerberg
Business plan
Si Elon Musk a des arrière-pensées politiques et cherche à booster son ego, n’oublions pas une chose : le quinquagénaire est un homme d’affaires redoutable. En mettant 44 milliards de dollars sur la table, il entend bien obtenir un retour sur investissement. Le 27 novembre, il a dévoilé sa stratégie pour transformer Twitter en machine à cash. Nommée Twitter 2.0 The Everything App, elle officialise une mesure qui fait parler d’elle : la certification payante pour les particuliers qui obtiendront le fameux badge bleu. Les entreprises et les autorités gouvernementales continueront à être certifiées gratuitement mais leur badge sera doré et gris.
Autre nouveauté, le nouveau patron compte s’inspirer du chinois WeChat en permettant de payer via Twitter. Pour garantir la liberté d’expression, il prévoit également de marcher dans les traces de Signal et Telegram en garantissant la confidentialité des échanges sur la messagerie privée. Enfin, pour attirer davantage les annonceurs, Twitter devrait accueillir plus de vidéos dans le flux et permettre d’augmenter la taille des tweets. Contre de l’argent ? La question n’est pas encore tranchée. La mise en œuvre de ce plan devrait se faire de façon « musklée », c’est-à-dire en agissant le plus rapidement possible, en essuyant des échecs, en retentant et en expérimentant jusqu’à trouver la formule gagnante. Elon Musk ne s’en cache pas : "Nous allons faire beaucoup de choses stupides dans les mois à venir. Nous garderons ce qui marche et changerons ce qui ne marche pas."
Machine à cash ?
Selon les projections de l’homme le plus riche du monde, 69 millions de clients devraient payer un abonnement à l’horizon 2025, 159 en 2028. En termes d’abonnés, la barre est placée haut : 931 millions d’utilisateurs actifs d’ici six ans. Côté chiffres d’af[1]faires, Elon Musk fixe un objectif de 26,4 milliards de dollars en 2028 contre 5,1 en 2021. Nombreux sont les observateurs à trouver les plans de Musk irréalistes et sa stratégie hors sol. Mais l’homme le plus riche du monde n’accorde aucune attention aux critiques. Elles étaient les mêmes lorsqu’il a lancé Tesla ou Space X. Avec les résultats que l’on connaît…