Au-delà des ajustements, le remaniement marque l’éviction de la société civile, la montée en puissance des "pros de la poloche" ainsi que la fin de la stratégie du débauchage.
Est-ce l’ambiance estivale ? Impossible de le dire avec certitude. Mais dans le microcosme des responsables et des journalistes politiques, le remaniement annoncé le 20 juillet ne passionne pas les foules. Deux points importants sont toutefois à retenir.
La plupart des ministres issus de la société civile ont été remerciés. Adieu l’historien Pap Ndiaye, l’urgentiste François Braun ou encore l’ancien directeur de la Croix-Rouge française Jean-Christophe Combe. Place à des personnalités politiques rompues à l’art de la politique politicienne. Plusieurs députés chevronnés font leur entrée dans l’exécutif dont Aurore Bergé.
Second enseignement, l’Elysée et Matignon ne pratiquent plus le débauchage. Les figures importantes de LR, d’EELV ou du PS étaient de plus en plus rares à monter à bord du navire macroniste au fil des remaniements. Désormais, la seule figure est le maire de Dunkerque Patrice Vergriete… élu en mettant sous le tapis son passé au PS. Pour l’opposition, cela montre que le "en même temps" ne marche plus et que peu de volontaires veulent monter sur un bateau qui prend l’eau. À l’inverse, les soutiens du gouvernement se réjouissent de voir que le camp macroniste n’a plus de "problèmes de RH" et que les compétences se trouvent en interne, notamment dans le groupe Renaissance. Quoi qu’il en soit, le nouvel exécutif semble plus politique que le précédent. Quels sont les principaux mouvements ? Réponse ci-dessous.
Ministère de l’Education nationale, Gabriel Attal succède à Pap Ndiaye
Pap Ndiaye était la principale figure d’ouverture du gouvernement. L’historien plutôt positionné sur l’aile gauche de l’échiquier politique a succédé à Jean-Michel Blanquer dès la réélection d’Emmanuel Macron. Attaqué par une partie de la droite pour son supposé "wokisme" et par une partie de la gauche pour "trahison", il aura peiné à incarner une ligne claire.
Il est remplacé par Gabriel Attal jusqu’alors ministre des Comptes publics. L’ambitieux trentenaire poursuit son ascension et, à 34 ans, devient le plus jeune ministre de l’Éducation nationale de l’Histoire de la Vème République.
Ministère de la Santé, Aurélien Rousseau remplace François Braun
C’est un grand classique de la composition de cabinets ministériels : nommer un "professionnel" à un poste technique. Le ministère de la Santé peut en témoigner puisque les trois derniers titulaires du poste Agnès Buzyn, Olivier Véran et François Braun sont tous médecins de formation. En revanche, l’urgentiste venu de la société civile, en poste depuis juillet 2022, ne passera pas un second été à son ministère.
Jugé transparent et pas assez politique, il est remplacé par Aurélien Rousseau. L’énarque de 47 ans était directeur de cabinet d’Élisabeth Borne. Familier du fonctionnement de l’État et de la psychologie de la première ministre, il est également compétent sur les questions de santé publique. De juillet 2018 à août 2021, il a dirigé l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France et a été en première ligne pour gérer l’épidémie de covid-19. Il est l’époux de Marguerite Cazeneuve directrice adjointe de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam).
Aurore Bergé (enfin) ministre !
Le Canard enchaîné n’avait pas manqué de relayer l’information. Lors d’un précédent remaniement, Aurore Bergé avait pratiquement fondu en larmes lorsqu’elle avait appris qu’elle n’intégrerait pas le gouvernement. Cette fois-ci, elle fait partie du casting ! La présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale devient ministre des Solidarités à la place de Jean-Christophe Combe. L’ancien directeur de la Croix-Rouge française était sur la sellette. En cause sa discrétion médiatique et son faible poids politique.
Ministre des Comptes publics, un marcheur de la première heure à Bercy
Les remaniements ministériels ressemblent parfois à un véritable jeu de chaises musicales. Le siège de ministre des Comptes publics était vacant après la promotion de Gabriel Attal à l’Éducation nationale. Il revient à Thomas Cazenave, un marcheur de la première heure. L’énarque est un proche d’Emmanuel Macron qu’il a rencontré en participant aux travaux de la commission Attali pour libérer la croissance. Il devient directeur adjoint du cabinet d’Emmanuel Macron à Bercy, participe à l’élaboration du programme de LREM en 2017. Après avoir échoué à faire passer Bordeaux, sa ville d’origine, dans l’escarcelle macroniste, il parvient à se faire élire député de la ville lors des dernières législatives.
Outre-mer : un strapontin pour le Modem
Constituer un gouvernement est un travail d’alchimiste qui suppose de faire de la place aux alliés. Fidèle depuis le second quinquennat, le Modem se voit récompensé d’un nouveau portefeuille : celui de l’outre-mer qui revient à Philippe Vigier député depuis 2007 Ce dernier n’est pas un historique du parti puisqu’il a siégé au Nouveau Centre, à l’UDI, dans le groupe Liot (qu’il a présidé) puis au Modem. Cela suppose de sacrifier le préfet Jean-François Carenco sur l’autel de l’équilibre des forces.
Ministère de la Ville, adieu à la caution PS ?
Olivier Klein, maire PS de Clichy-sous-Bois était l’une des dernières figures de la gauche à avoir intégré le gouvernement. L’élu de Seine-Saint-Denis fait les frais du remaniement. Son portefeuille est scindé en deux. La députée Renaissance de Marseille Sabrina Agresti-Roubache prend en charge la Ville. Le maire de Dunkerque Patrice Vergriete est en charge du Logement. Un choix logique puisque ce polytechnicien proche de Martine Aubry est expert en urbanisme et en aménagement du territoire.
Lucas Jakubowicz