Marie Ekeland a l’audace chevillée au corps. Alors qu’elle s’est fait un nom en débusquant la pépite Criteo, cotée aujourd’hui au Nasdaq, en participant au lancement de l’association France Digitale ou en devenant l’une des premières femmes à la tête d’un fonds de capital-risque, Daphni, la quadragénaire n’en a pas fini avec les nouveautés. Elle lance le fonds 2050. Son ambition ? Mettre l’argent au service de la société.
Futur fertile
Marie Ekeland se fixe un horizon de 30 ans pour participer à la construction de ce qu’elle qualifie de "futur fertile". La fondatrice souhaite agir sur cinq "essentiels", comme l’éducation ou l’agroalimentaire. "Les entreprises financées par 2050 peuvent aligner leurs intérêts économiques, le temps court, avec ceux de la société et de la planète, le temps long", écrit-elle dans un article paru sur Medium.
Toujours en cours d’agrément par l’AMF, 2050 a participé cet été à travers un véhicule temporaire à la levée de fonds de Withings, société française qui conçoit des objets connectés dans les domaines du bien-être et de la santé. "Cet investissement est en droite ligne avec notre thèse de soutenir des entreprises qui améliorent la santé des citoyens de façon préventive et personnalisée", explique Marie Ekeland aux Échos.
Marie Ekeland se fixe un horizon de 30 ans pour participer à la construction de ce qu’elle qualifie de "futur fertile"
À l’opposé de ces bonnes pratiques ? Des groupes "poussés au désalignement" comme Netflix. Certes, la firme de Reed Hastings est une très belle réussite mais son patron revendique comme principal concurrent le sommeil. "Or, le sommeil est l’un des premiers piliers de notre santé, poursuit-elle sur Medium. Pour le traduire brutalement, Reed Hastings nous annonce ce faisant que son objectif actuel est d’aller chercher des points de croissance dans les points de santé de ses clients."
Une femme de convictions
Marie Ekeland n’est pas femme à faire des compromis lorsqu’il s’agit de ses valeurs. Les férus de digital se souviennent de sa démission, en 2017, de la présidence du Conseil national du numérique, quelques jours seulement après sa nomination. À l’époque, la désignation de certains membres du collège (la militante Rokhaya Diallo et le rappeur et entrepreneur Axiom), choisis par ses soins, fait polémique. "Le projet que j’ai porté d’ouverture, d’indépendance de pensée et de diversité, a été mis à l’épreuve dès le démarrage", déplorera-t-elle lors de son départ.
Son tempérament lui viendrait de son père, le mathématicien Ivar Ekeland, ancien président de Paris-Dauphine. C’est là que sa fille fit ses études de maths et d’informatique, la tête de classe du lycée Louis-leGrand ayant préféré cette université aux classes préparatoires. "J’étais programmée pour faire maths sup ou HEC, mais l’idée me rendait malheureuse, confie-t-elle aux Échos. Par instinct de survie, je ne voulais pas renoncer à tout le reste." Le reste ? Ses passions pour le volley-ball ou encore la musique.
Elle intègre JP Morgan à New York en tant qu’informaticienne avant de retourner à Paris pour un master à l’EHESS. C’est dans l’univers de la banque, chez Crédit Agricole PE, qu’elle fait la rencontre de Xavier Lazarus. Il lui propose de s’associer à son fonds spécialisé dans l’économie numérique, Elaia, où elle participe à l’investissement dans Criteo. En 2012, elle cofonde France Digitale afin de promouvoir l’économie numérique auprès des pouvoirs publics. Trois ans plus tard, elle lance Daphni, un fonds d’investissement dédié au digital. Dans son portefeuille : Made.com, Devialet, Ornikar ou encore Black Market. Les futures prises de participation de Marie Ekeland chez 2050 seront assurément regardées de près par les investisseurs.
Olivia Vignaud